PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

mercredi 23 décembre 2020

Voeux majeurs



Photos : Noël en Outaouais. (On peut rêver.)


Petite annonce
Échangerais année bissextile délirante passée en apnée contre année normale majeure* et vaccinée où l'on pourra respirer un peu.

*Jusqu'à une époque récente on n'était majeur qu'à 21 ans ; ce siècle (ce millénaire ?) sera donc majeur sans conteste à partir du premier janvier 2021.

Bref, je vous souhaite une BONNE ANNÉE 2021 sans Lysol ni isolement, sans masques ni gestes barrières, avec possibilité d'être enfin proches de vos proches !

Pour le moment, comme nous sommes encore en 2020, passez de JOYEUSES FÊTES en attendant l'année nouvelle !

(Non, je ne donne pas de becs.)

Henri

PS1. - Si nous étions en 2020 avant J.C., nous nous apprêterions à commencer l'année 2019. Vieillir à reculons devait avoir un certain charme.

PS2. - Si la journée vous paraît plus longue, ce n'est pas nécessairement parce que nous avons passé le solstice d'hiver, c'est peut-être parce qu'elle est ennuyante, tout simplement.





lundi 30 novembre 2020

Lettre à l'ALQ

Chère ALQ,

Quelques mots sur l’« affaire des suggestions de lectures du premier ministre François Legault ».

Ton geste de censure (« cachez ce titre que je ne saurais voir ») m’a d’autant plus choqué qu’il provient d’un organisme qui, par vocation, devrait se porter à la défense de la liberté d’expression en toute occasion. La promptitude avec laquelle tu as cédé à un certain type de plaintes est très inquiétante. J’aimerais croire à un geste isolé, mais nous vivons à une époque où les appels à la censure et à l’ostracisme (cancel culture) se multiplient. Une nouvelle Inquisition installe ses tribunaux un peu partout.

Il est décourageant de devoir tenir un combat pour une conquête que l’on croyait acquise, la liberté d’expression. Il est d’autant plus décevant d’être trahi par une association de libraires ! Vois-tu l’ironie qu’il y a à illustrer ainsi une attitude dénoncée dans le livre censuré, L’empire du politiquement correct ?

Le résultat, chère ALQ, est que tu m’as convaincu de l’urgence de courir acheter l’ouvrage défendu. Pour la forme, je vais demander l’avis de mon libraire indépendant habituel. Mais ma décision est déjà prise.

(Lettre envoyée par courriel à l'ALQ.)


lundi 23 novembre 2020

Hiver tout neuf

 

La première neige : combien de temps dure sa magie ? 

Le compte à rebours est commencé.


dimanche 1 novembre 2020

Secondes et tachycardie


Et si au lieu de soixante faméliques secondes par minute qui se précipitent les unes après les autres, on en comptait trente bien dodues qui paraderaient sans se bousculer ? 

Le temps souffre de tachycardie. Soignons-le.


jeudi 15 octobre 2020

Parfaite maladresse


Je suis tellement maladroit. Quand je vise la perfection, je touche encore plus haut.


dimanche 27 septembre 2020

Évidence et ustensiles


Il est difficile de s’endormir en cuillères quand on a été à couteaux tirés toute la journée.

samedi 26 septembre 2020

Temps


Le Temps, qui nous offre une visite guidée de notre vie.

lundi 21 septembre 2020

Rien


À une amie qui se trouve nulle :

Si tu es nulle, tu es rien, et si tu es rien, tu es quelque chose, puisque rien vient de res (« une chose » en latin). Faut pas désespérer, quand la psychologie ne peut plus rien..., pardon, n'est plus d'aucun secours, il reste l'étymologie pour se tirer d'affaire.

samedi 19 septembre 2020

Fraîcheur de saison


Voici venue la saison du soleil qui éclaire mais qui ne chauffe pas.

Vie collective


En société, mon intelligence brille d'autant plus que je m'abstiens de parler. La prochaine étape serait peut-être de m'abstenir de penser.

(En attendant, il y a aussi la solution de m'abstenir de prêter l'oreille à ce qui se dit.)


mardi 15 septembre 2020

Bilan du jour : les trois D


Déprime, désœuvrement et déréliction sont les trois mamelles de ma journée. Passant de l'une à l'autre, j’en suce l’amer et maigre lait.

Ne me dites pas que vous allez bien, je vais être jaloux ; ne me dites pas que vous allez mal, ça va m'enfoncer encore plus dans ma déprime.

Que ces restrictions ne vous empêchent pas de me considérer comme un interlocuteur valable.


dimanche 13 septembre 2020

Mammatus




Quelques mammatus. 
Photos : Gatineau, 27 nov. 2019.


« Mammatus ou mamma (du latin signifiant mamelle ou mamelon) est un terme qui désigne en météorologie des poches circulaires à la base de nuages convectifs tels les altocumulus et les cumulonimbus. » (Wikiki.)

La formation des mammatus répond aux variations de pressions entre le nuage et la couche d'air plus sèche et plus froide sous jacente. J'en ai rarement vu d'aussi beaux. Il y a quelque chose de magique dans la vision d'un ciel en boules d'ouate, tout molletonné. Hélas, on ne peut pas aller s'étendre sur la base des nuages.

Les variations de teintes d'une photo à l'autre proviennent de mes tentatives d'ajuster correctement mon appareil.


Le ciel est molletonné, et bien cordé.
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Photo plus réaliste quant à la luminosité du ciel. 
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Mammatus, version angélique...
.

... ou version infernale. 
.

Ciel tourmenté.
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lundi 7 septembre 2020

Tribunal


Quand je dois porter un jugement sur l'une des personnes qui s'activent sur la scène publique, politique, artistique ou autre, je me demande d'abord si cette personne aurait accepté avec empressement de prendre place au tribunal de l'Inquisition comme juge ou accusateur. La réponse, hélas, est de plus en plus souvent positive*.

À un niveau supérieur, si l'on peut dire, je me demande aussi si cette personne aurait accepté de prendre la place du bourreau. La réponse, hélas*...

À un niveau moindre, il m'arrive de penser qu'il y a des vocations de mères supérieures qui se perdent.

* Ça donne une idée du climat politique et social actuel.


dimanche 6 septembre 2020

Exprimez-vous


Cette impression d'être passé depuis mes années d'école primaire jusqu'à aujourd'hui de l'injonction « Dites-le dans vos propres mots » à celle de « Reprenez le slogan ».

Humiliation secrète


Un des moments les plus humiliants de ma vie a été d'apprendre que j'avais côtoyé plusieurs mois une nymphomane sans m'en rendre compte et, surtout (là réside le drame), sans jamais avoir été l'objet de la moindre sollicitation de sa part.

samedi 5 septembre 2020

Semainier


Comment s'est passée votre semaine, puisque nous en sommes à sa fin ?

Fut-elle quotidienne, s'écoulant un jour à la fois ?

Hebdomadaire, passant comme d'un seul bloc ?

Lancinante, adoptant la lenteur de l'escargot ?

Ou aérienne, filant en un coup de vent ?

vendredi 4 septembre 2020

Diverses choses en vrac qui traînaient


L'art est long, les réveils, lents.

Chaque matin est pour moi une nouvelle naissance. Je dois tout réapprendre.

À quelle heure de la journée devient-on inutilisable pour soi, les autres et l'Univers ?

D'où viens-je ? Ou vis-je? Où cours-je ?

Un coup de dé abolira-t-il les aléas de l'existence ?

Il faut comprendre les adolescents et leurs difficultés ; les pauvres ne fréquentent que des gens de leur âge.

Quand une jolie femme croise et décroise les jambes, réalise-t-elle un simple mouvement neuro-moteur machinal mettant en jeu os, muscles, nerfs, etc. jusqu'au derme et au dernier poil ou fait-elle évoluer dans l'espace un jeu de lignes, de galbes, de perfection, un chatoiement de lumière et de reflets pour son extase propre et celle de l'Univers dont je ne suis qu'une infime partie, mais précisément celle à qui l'autorisation d'assister à ce spectacle est donnée ?

vendredi 28 août 2020

Covid-19 : terrains vagues et féondité


Curieusement, autant le confinement a été propice à l'écriture (j'ai rédigé un nouveau recueil de nouvelles en moins de six mois), autant il a représenté du temps perdu pour la lecture. Ma concentration a foutu le camp.

La lecture supporte mal d'être hachée par des moments d'absence mentale.

Par contre, de longues et fréquentes séances de rêvasseries devant l'écran ne nuisent pas vraiment à l'écriture. L'inspiration pousse peut-être dans ces moments vagues de l'esprit. (Terrains vagues de l'esprit ?)

jeudi 27 août 2020

La Petite Poucette de Michel Serres


Michel Serres a publié en 2012 Petite Poucette (1), ouvrage à la gloire de la fillette qui pitonnait son smartphone des deux pouces plus vite que son ombre. La Petite Poucette de M. Serres est l'égérie et la prophétesse du monde à venir.


« Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile, disponible, objectivé. Le transmettre à tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c’est fait. […] D’une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis. » (p. 21 (2). Le gras est de l'auteur du blogue.)

Bien oui, plus besoin d'enseigner, d'apprendre, inutile de se construire une vision du monde basée sur l'expérience accumulée par l'humanité puisque tout est au bout des doigts, pardon, du pouce. C'est la


« fin de l’ère des experts (p. 36-37) », et les dispositifs institutionnels de la transmission de la mémoire sociale (les « cavernes » prisons que furent les écoles et les universités (p. 39-40)) n’ont plus qu’à disparaître, enfin. » (Tout le paragraphe incluant les citations de M. Serres : Julien Gauthier (2).) 

L'ignorance n'existerait donc plus puisque le savoir est là, disponible à tous, suffit d'aller le chercher au besoin. Mais le chercher où, et pour répondre à quelle question, à quel besoin ? Et comment le reconnaître, comment s'assurer qu'on l'a trouvé ?

M. Serres, tout à son enthousiasme technophile, et tout philosophe qu'il est, ne semble pas s'inquiéter de ces questions, pourtant fondamentales. Qu'un savoir n'est pas une chose tangible et circonscrite, objectivée, que l'on prend sur une tablette pour l'y remettre après usage ne semble pas l'intéresser. Pour qu'un « savoir » soit utile, soit assimilé (mais pourquoi s'obstiner à assimiler ce qu'il est plus simple de laisser disponible à l'extérieur de soi ?), il faut un cadre conceptuel, d'autres savoirs qui l'accueillent, qui lui ont préparé sa place et qui lui donnent un sens.

Wikipedia et Google peuvent me dire la masse du proton, la hauteur de l'Everest et la date de naissance de Jules César. Si je n'ai aucune connaissance en physique, en géographie et en histoire, si j'ignore même que de telles « choses » existent, ces trois « savoirs » ne me serviront à rien. Ils s'évaporeront aussitôt « acquis ». Je ne saurai pas les interpréter, comprendre leur portée, ni même, encore plus préoccupant, penser à les demander ou à les chercher. Apparemment, cet autre inconvénient majeur de sa théorie a échappé à M. Serres, décidément peu sagace : pour chercher, il faut déjà savoir un peu et, pour trouver, il ne faut pas prendre la première crotte venue pour une pépite. Aussi, il ne pas faut s'imaginer que le savoir se débite en morceaux entiers se suffisant à eux-mêmes.

La Toile est pleine de savoirs que je ne pourrai jamais utiliser ou comprendre, faute de savoirs préalables... Triste sort que le mien, mais qui est celui de toute l'humanité, vous y compris. Notre capacité à acquérir, chercher et reconnaître le nouveau savoir dépend du savoir déjà assimilé, M. Serres oublie ce fait essentiel. 

Ajoutons que l'être humain a besoin d'une carte, d'une représentation cohérente du monde dans sa tête et que lui dire d'aller se promener dans une forêt de savoirs non balisés où il ne distinguerait pas le vrai du faux, le vénéneux du nutritif, est à la fois l'envoyer à sa perte comme individu et comme être humain.

Mais le rêve de Serres s'est réalisé. Sa Petite Poucette règne en maîtresse sur le monde. Elle fait ses recherches. Elle n'est cependant pas dénuée de tout savoir (malheureuses séquelles résiduelles du monde révolu, sans doute ?) : elle en sait assez pour chercher à tors et à travers, comprendre tout de travers et répandre son « savoir durement acquis » à travers la Toile aux bénéfices d'autres Petites Poucettes. Et d'autres Petits Poucets, la bêtise et l'ignorance ne connaissant ni sexe, ni frontières ni âge.

Je n'ai jamais compris l'accueil favorable dont a bénéficié le livre de M. Serres. La thèse de l'auteur est tellement ridicule (l'accès universel au savoir rend inutile l'apprentissage et l'enseignement) et inepte (les ignorants utiliseront mieux leurs facultés créatrices que les personnes à la tête encombrée de savoirs) qu'il faut suspecter la complaise et l'ignorance des chroniqueurs, toujours contents de chroniquer même à partir de rien. Il faut aussi compter avec le terrorisme des technologies, toujours innovantes et toujours plus efficaces, ça va de soi, sur l'esprit de mes contemporains.

(1) Michel Serres, Petite Poucette, Éditions Le Pommier, 2012, 90 pages.
(2) N'ayant plus le livre sous la main, j'ai emprunté les citations à Julien Gauthier, dans le site de la revue Skholè : http://skhole.fr/petite-poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres
L'analyse du livre de M. Serres par J. Gauthier est beaucoup plus fouillée que la mienne. (Ajout 3 avril 2024. - L'article de M. Gauthier n'est plus disponible dans Skholè. Il est cependant accessible à cette adresse : http://1libertaire.free.fr/PetitePoucette01.html.)

Montage : © Henri Lessard 2020.

Faites vos recherches


Montage : © Henri Lessard 2020
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Le sous-titre véritable enfin révélé.

mercredi 26 août 2020

Covid-19 : dur bilan d'août


Lorsque nous pensons à l'humanité, nous pensons à de Vinci, Einstein, Curie. Cette image flatteuse que nous nous faisons de nous-mêmes nous a empêché longtemps de voir la réalité.

En général, les humains sont ignares, crédules, intolérants et grégaires, le dernier point aggravant l'effet les précédents.

C'est l'un des avantages de la Covid et des médias sociaux que de nous avoir ouverts les yeux. Mais avions-nous besoin d'être désillusionnés à ce point ?

La raison d'être d'une société devrait être d'offrir un havre aux simples d'esprits, de contenir les ignares, les brutes et les enragés, je dirais même les enragées.

Sachant cela, quel jugement porter sur notre société ?

Quand j'étais jeune, il se trouvait des gens pour espérer que des extraterrestres viennent sauver l'humanité. Aujourd'hui, je me demande s'ils ne devraient pas venir nous achever.

Flaques



Flaque, version sereine...


J'aime les flaques d'eau.

Elles disent qu'il y a eu de la pluie. La pluie peut être prévue, mais non planifiée. La pluie nous apprend que toute l'eau n'a pas été harnachée en ce pays.

Les flaques signalent les trous dans le tissus urbains ; nids de poules, affaissements dans l'asphalte, creux dans les terrains vagues, ornières et sillons laissés par quelques pesants boas voyageant tout droit de conserve.

Le ciel y montre ses dessous. Les nuages sont plus gris, le ciel est d'un autre bleu, le soleil se double ou se multiplie en éclats et en étincelles.

Les jeunes eaux se rident à l'air qui passe. L'air, encore un qui n'est pas dompté...

Elles disent aussi que nous avons le temps de les contempler, ce qui reste un élément rassurant de la vie. Mais nous sommes trop âgés pour y patauger comme autrefois.

J'y trouve le repos comme devant toute surface plate que le vent effleure.



... ou flaque, version frileuse. Ah, quand le vent donne le frisson à l'eau...

vendredi 21 août 2020

Nature dormante

© Cristian de León 2013. Paix sur la Terre, gouache sur carton.
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Extrait d'une lettre à un ami peintre* qui m'a envoyé une gouache :

« À côté du concept de nature morte, reste-t-il de la place pour celui de nature apaisante ? Ta gouache pourrait en être le prototype. Ou de nature dormante ? Après tout, la majeure partie de la vie de couple consiste à dormir à côté de sa conjointe, il n’y aurait rien de mal à veiller la nature dans son sommeil. »

* Le peintre en question est Cristian de León.
https://artiste-peintredeleon.weebly.com/

jeudi 20 août 2020

Fierté et horticulture


Cette dame est fière de ses tomates comme si elle les avait pondues ; elle devrait l’être moins de ses ados qui, eux, sont vraiment sortis de ses mains.

mardi 4 août 2020

Débit et dépit



Photos : Cantley (Québec), montée Saint-Amour (juin 2008). Admirez avec quelle unanimité ces cumulus humilis dérivent tous à la même altitude.


La journée parfaite existe dans ma tête. Elle ruisselle de perfection sous un ciel tout bleu semé de cumulus tout blancs et tout dodus (photos). Chacune des secondes de chacune de ses minutes de chacune de ses heures se fond dans l’éternelle béatitude où le temps se dissout et cesse de nous importuner.

Je sais que la perfection n’existe pas dans la réalité, que ce serait trop exiger. La beauté, la plénitude après lesquelles nous courons ne sont que des créations de notre imagination. Ce ne sont que des illusions. Ce qui existe dans nos têtes n'est que fumée et ce qui existe au dehors n’est qu’imparfaitement appréhensible. D’où l’état d’insatisfaction chronique des humains.

Vous me direz que la perfection existe bel et bien dans la mesure où nous composons l’idéal à partir de moments de perfection saisis dans la réalité. Mais entre la perfection en pointillé et la perfection à flots continus, il y a une différence.

Une différence de débit, pour le moins. Pour notre plus grand dépit.




mercredi 29 juillet 2020

Le Phénomène humain


J'ai repassé mes chemises ce matin. Je ne vous dis pas la satisfaction que j'ai retirée de cette activité. Le travail intellectuel est une imposture. Les humains s'illusionnent sur eux-mêmes dès qu'ils s'imaginent être autre chose que ce qu'ils sont, des singes habiles de leurs doigts.

mardi 21 juillet 2020

Rayons accueillants


— Je ne sais pas quoi lire.
— Mais tu as toute une bibliothèque chez toi.
— Tout le monde sait que les livres d'une bibliothèque ne sont pas là pour être lus, mais pour accueillir les nouveaux qui s'ajouteront.

Peintre du regard


« Aucun peintre n'a réussi à rendre la solitude résignée du regard des bêtes, car aucun ne semble avoir compris ce qui est incompatible dans les yeux des animaux : une immense tristesse et un égal manque de poésie. » 
Cioran, le Crépuscule des pensées

dimanche 19 juillet 2020

Luminaires ou Souvenir de jeunesse

Henri Lessard © CopyrightDepot.com no 00072068




(Extrait de Ligne de grains, roman à paraître aux Éditions L'Interligne.)

Il y avait Agathe, Béatrice, Charles et moi.

Et il y avait, tapis sous la nuit sans limites, la forêt brossée par le vent, la plaine posée en biseau, le souffle froid des marécages et, tout près, du moins le pensions-nous, l’un des quatre coins de notre monde bosselé, là où le circuit du voyageur tâtonnant et trébuchant se termine dans le vide.

Mais le monde est un globe. Sur ce point, nous pouvions être rassurés, rien n’empêchait de le parcourir et de s’y perdre à jamais.

Le fait était que nous étions perdus.

Un court périple, bouclé avant le crépuscule, avions-nous pensé.

Fallait-il prendre le chemin à gauche ou tourner à droite ? Plus loin, la même question se poserait, encore et encore.

La carte des chemins et des sentiers que nous avions prise au refuge ne nous servait à rien. La pleine lune, surgie de derrière les arbres, arrivait tout juste à extraire de ce carré de papier une tache laiteuse, aux contours flous.

Aucun de nous ne fumait. Nulle allumette donc, aucun briquet non plus.

— On campe ici jusqu’au lever du jour ? dit Charles.

Anticipant les heures frileuses qui nous séparaient de l’aube lointaine, Agathe m’entoura de ses bras :

— Il nous faudrait un réflecteur, une surface réfléchissante, comme en photographie, dit-elle d’une voix ténue, tandis que la lune se recroquevillait d’autant plus sur elle-même qu’elle s’élevait au-dessus de l’horizon.

Si nos visages étaient du même papier que la carte, nos couleurs – t-shirt rouge vin, gilet vert forêt, chemise indigo – disparaissaient sous la même couche d’encre de Chine.

— Je peux fournir la surface réfléchissante, dit Béatrice.

L’éclairage le plus pâlot suffit à certains constats. Béatrice avait enlevé son chandail et s’apprêtait à dégrafer son soutien-gorge.

Elle m’ôta la carte des mains et se campa au milieu du sentier. Là, dans la clarté lunaire – qui, tout à coup, parut couler d’abondance –, Béatrice orienta la feuille de façon à ce qu’elle reçoive à la fois le rayonnement de l’astre et son reflet réverbéré par sa poitrine – qu’elle avait ferme et rebondie.

En retour, le papier rendait la pareille au sein tout proche, et l’éclairait. Joli cercle vertueux…

— J’y vois un peu, dit Charles qui, s’étant placé à droite de Béatrice pour ne pas faire ombre, inclinait le cou pour lire la carte.

La pointe du sein – Agathe et moi avons pu le constater par-dessus l’épaule gauche de Béatrice – indiquait d’ailleurs la direction à prendre.

La lumière salvatrice sourdait de deux globes d’un albâtre translucide. De la taille jusqu’à la racine des cheveux, Béatrice, éclaboussée de blanc, resplendissait, nimbée d’une lueur fantomatique, et il était curieux que la personne la mieux visible de nous quatre soit aussi la plus irréelle.


*

Une demi-heure plus tard, cette ronde fourvoyée touchait à son terme et nous étions de retour au refuge.

— Objectivement, me dit Agathe, il faut avouer que je n’aurais pas pu rendre d’aussi bons services…

La survie de notre relation dépendait de ma présence d’esprit :

— L'éclairage public, répondis-je, c’est bien, c’est utile, mais je préfère les luminaires intimes, plus modestes, plus discrets, et la tendre lumière qu’ils dispensent.

La bonne part


Si l'on se fie aux réseaux sociaux, la moitié de la population est composée de bornés, de crétins et d'abrutis. L'autre moitié refuse de me parler.

Dit-elle


Les dits de ma voisine : Carpe diem

Le programme de la journée se résumait à peu de choses : partir du point A, me rendre au point C en passant par le point B. Arrivée en bout de course, rien ne m’obligeait à revenir tout de suite au point A. Rien non plus ne me contraignait à privilégier la ligne droite à l’aller comme au retour. J’étais en vacances, l’accent circonflexe du verbe flâner m’avait toujours semblé viser quelque inaccessible nirvana. Il n’y a que les forçats des loisirs pour se sentir redevables de chaque seconde de leur temps.

Carpe diem qu’ils disent, ces stakhavonistes de l’épicurisme. Au diable ! Je ne carpe rien du tout, trop fatiguant, je préfère laisser s’enfuir le temps ; il passe et s’échappe très bien sans nous. Qui donc aurait l’audace de prétendre être en position de le retenir ou de l’accélérer ? Laissons le temps couler, et même s’écouler, de lui-même. Moi, je me la coule douce.

jeudi 16 juillet 2020

Covid-19 : constat de la mi-juillet


Les chiens aboient, la caravane passe, l'été aussi, la Covid reste.

mercredi 15 juillet 2020

Palpation


Je préfère dire « c'est une histoire de fesses » plutôt que « c'est une histoire de cœur ». Les fesses, on est assuré de leur rondeur, de leur douceur. Les fesses sont palpables. Le cœur, non.

mercredi 8 juillet 2020

Dit-elle


Dit-elle, ou les dits de ma voisine : la Trop-Aimée


Tout le monde m’aime, je n’en peux plus.

J’ai d’abord cru avoir mal entendu. La plainte inverse, « personne ne m’aime », est de loin la plus fréquente, pour ne pas dire l’unique à fatiguer nos oreilles.

— C’est exaspérant, continua-t-elle dans un soupir. Je suis parfaite, du moins tout le monde le dit ou agit comme si c’était chose établie. On louange mon naturel, on n’en revient pas de ma politesse. Ma seule vue suffit à attendrir les matantes, l’annonce de ma venue fait fondre les mononcles. Je suis la consolation des profs épuisés par les mauvais élèves, mes parents ne m’adressent qu’un reproche tous les quatre ans ; ils savent pouvoir compter sur ma « grande maturité », je cite leurs paroles. Les gens simples me trouvent accessible, les gens sophistiqués, très raffinée. Les ignorants se sentent à l’aise de me parler, les personnes instruites me traitent en égale. Tous, bolés ou incultes, perdent leurs complexes devant moi. On me bombarde de confidences, on me demande mon avis, on me sollicite pour des conseils. L’humanité entière veut être mon ami, les enfants, les vieillards, les chats, les chiens et même la tortue de notre voisin. Qu’est-ce que je vais faire ?

— Apprendre à dire non aux gens, dis-je.

mardi 7 juillet 2020

Canicule


L'hiver veut notre peau. Il est animé d'intentions carrément homicides.

Il tue en saisissant ses victimes, en les solidifiant pour les réduire à une unité cristallisée, séchée à froid, ne conservant que l'os et l'écorce. Ces façons préservent au moins leur singularité jusque dans la mort. Pensez à la légère carcasse d'Ötzi.

L'été est plus indulgent, plus amène, du moins à première vue. Il accueille ses proies dans sa fournaise, les berce dans son atmosphère d'étuve. Par un excès de bonté, ou de chaleur, il les exsange de leurs forces, les répand bientôt en une flaque amorphe. Elle disparaissent, absorbées par le Grand Tout. Pensez à un ragoût homogénéisé.

Finalement, l'été, malgré ce que l'on croit volontiers, n'est pas mieux que l'hiver.


*

L'été, des gens disparaissent, engloutis par l'asphalte fondue des boulevards. Ne vous laissez pas prendre au piège, les lignes blanches ou jaunes, légères, flottent à la surface du bitume et lui donnent une apparence de solidité. Les corps graves, comme vous et moi, crèvent la croûte, passent à travers la masse en fusion et disparaissent. (Authentique.)

mardi 16 juin 2020

Comment j'ai inventé un texte de Kafka





Marthe Robert, La tyrannie de l'imprimé : Livre de lectures III, Éditions Grasset & Fasquelle, livre de poche, série « Biblio/essais », 1984, 160 pages.




Si la mémoire se contentait d'oublier, ce serait déjà beau. Mais pour masquer ses oublis, elle invente, amalgame, superpose et déforme. Le ciment de ces rafistolages réside dans son assurance sans faille : « c'était comme ça, je me rappelle très bien ». Allez donc la contredire. Après tout, c'est votre propre mémoire.

Voilà des années que je cherche à remettre la main sur un court texte de Kafka qui m'avait particulièrement frappé. Je conservais en tête l'image de la page imprimée avec la typo de la collection Folio ; j'avais même le grain du papier sous les doigts. Vous voyez comme ma mémoire n'est pas seulement abondante, mais précise. Retrouver le texte n'aurait dû présenter aucune difficulté. D'ailleurs, si je n'avais pas pris la peine de noter son emplacement quand je l'ai découvert, c'est qu'il était évident en lui-même.

Le texte parlait d'une tradition, autrefois observée. Vint une génération qui avait oublié la tradition, mais se souvenait de son existence. Puis une autre génération, qui n'avait plus que le souvenir qu'on s'était autrefois souvenu de quelque chose. Et c'est ainsi que la tradition survivait de façon paradoxale par la succession des oublis. Voilà le souvenir que j'avais conservé du texte, sans vouloir faire un jeu de mots.

Kafka n'a pas publié autant que Balzac. Je possède l'intégral de ses œuvres littéraires chez moi, principalement dans la collection Folio (je n'ai pas toutes les différentes versions françaises parues à ce jour, ni son journal ou sa correspondance, ma maniaquerie a ses limites). Feuilleter les recueils, consulter les tables des matières ne prendrait que quelques minutes. Aucune trace du texte. Je refais l'exercice trois fois encore, de façon chaque fois plus appliquée. Non, ce n'est pas « Un Vieux parchemin » qui fait partie de « La muraille de Chine ». Je laisse tomber.

Régulièrement, je revenais à la charge, feuilletant les mêmes recueils (ce ne peut pas être dans les romans, Le Procès ou L'Amérique ; peut-être dans Le Château : non, j'ai vérifié).

Je me dis que le texte est peut-être dans Préparatifs de noces à la campagne, recueil touffu de 500 pages. Comme j'annote mes livres au crayon, il y aura forcément une marque pour attirer l'attention sur le texte. Des marques, des annotations, j'en ai trouvé. Le texte, non.

L'an dernier, j'ai lancé un appel à l'aide dans Tweeter qui est resté sans écho.

Découragé, je renonce.

Hier, je sors de ma bibliothèque pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec ma quête La tyrannie de l'imprimé, de Marthe Robert, traductrice et grande spécialiste de Kafka, entre autres. Je précise que le sujet du livre est la littérature en général, et qu'il ne contient que quelques passages consacrés à Kafka.

Et je tombe sur ce développement (p. 37-39, voir photos) autour d'une histoire hassidique racontée par l'historien Léon Poliakov.

Voilà l'histoire que je cherchais !

Elle n'était pas de Kafka. Bien sûr, Marthe, spécialiste de Kafka, relie tout de suite cette histoire très kafkaïenne à Kafka (à la page 39).

Ma mémoire a amalgamé mon émerveillement devant cette histoire (effectivement lumineuse) et l'allusion à Kafka qui la suit immédiatement. L'amalgame a été assez prégnant pour que j'imagine le texte dans la typographie de la collection Folio où sont parus la plupart des recueil de Kafka que j'ai lus. Et l'histoire, je me répète, est tout à fait kafkaïenne.

Finalement, la mémoire a parfois plus d'imagination et d'ingéniosité que de souvenirs...

Ajout (5 juillet 2020). - Poliakov parlait de la perte de la mémoire comme d'une érosion, un souvenir étant condamné à disparaître par soustractions cumulatives jusqu'à l'escamotage de la dernière parcelle résiduelle. Il ne lui venait apparemment pas à l'esprit que la mémoire puisse compenser ses pertes en catimini par la fabulation et le bricolage, devenant de moins en moins fiable non seulement par des diminutions, mais aussi par des ajouts et des remodelages.

Ajout (6 juillet 2020). - Tout ceci m'a fait penser aux prêtres saliens et aux frères (prêtres) arvales de la Rome antique. L'origine de ces confréries se perdait dans la nuit des temps et leurs chants rituels, en latin archaïque, étaient transmis de génération en génération, même s'ils étaient devenus incompréhensibles avant même l'époque classique. Respect très ritualiste de la tradition qu'une religion basée sur la foi jugerait absurde. 

(Cliquer sur les images pour qu'elles s'affichent en plus grand.)










vendredi 12 juin 2020

Mythologie pratique


Remplir le tonneau des Danaïdes ? Rien de plus facile, il suffit de le jeter au fond de la rivière ; il se remplira d'eau.

Et le rocher de Sisyphe ? Son va-et-vient continuel finira par l'user, lui et la montagne avec.

jeudi 11 juin 2020

Covid-19 : manipulations et précautions


Une amie m'a prêté un livre. Aussitôt, la question se pose : que faire de l'objet ?

Faut-il l'isoler ou le Lysoler ?

That is the dilemme.

mardi 2 juin 2020

Covid-19 : jeu de société


Trouvez l'intrus :

A) Clovis 1er
B) Louis XIV
C) Covid-19
D) Louis 19


Indice : Clovis est une forme ancienne de Louis.

mercredi 27 mai 2020

Paradoxe à vélo


En quoi cela aide-t-il ce pauvre boiteux que d'aller à pied en traînant son vélo par le guidon ?

Canicule et concert


Ce moment de l'année, merveilleux entre tous, où l'on ne reçoit plus la chaleur uniquement du soleil, mais aussi de la terre, chauffée par le même soleil.

Puis, commence le concert des plaintes sur la canicule.

La cause et de l'effet


Si Dieu n'avait pas créé le Monde, personne ne poserait de question sur son existence ou sa non existence. En fait, il n'y aurait aucune différence entre les deux positions. Un Dieu sans Création est un concept aussi vide qu'inutile.

Ce qui nous amène à renverser la question de la cause et de l'effet. Au lieu de dire qu'il faut un Dieu pour avoir le Monde (l'Univers ou la Création), peut-être faut-il un Monde pour que Dieu existe ?

La charge de la Création est donc inversée.

En bref et en deux mots, si Dieu ne s'était pas singularisé en créant autre que Lui - l'Univers, la Création -, Il n'existerait pas.

(Ne pas prendre ces paradoxes au sérieux s.v.p., je ne plaide ni pour les croyants ni pour les athées !)

Paradoxe divin


Si Dieu existe, c'est Lui qui a créé les athées.

S'Il n'existe pas, ce sont les croyants qui L'ont créé.

jeudi 23 avril 2020

To be or not to be Shakespeare


Quand j'écris, je suis un peu comme le chimpanzé qui mettrait un million d'années à taper une pièce de Shakespeare, sauf que je n'ai pas un million d'années devant moi et que la qualité de mes résultats en souffre.

mercredi 22 avril 2020

Les robots


Rien ne dit que les robots qui nous succéderons voudront changer quelque chose à leur routine. L'IA n'y fera rien. Ils continueront à produire des autos, des savons et des journaux (peut-être toujours la même édition reprise en boucle). Pour eux, l’équilibre de l’univers tiendra à la perpétuation de ces gestes désormais dénués de tous sens. Le livre que j’ai fait paraître*, puisque qu’un livre est fait pour être lu, les robots ne manqueront pas de le lire et d’en tourner les pages - versions papier et électroniques - sans se lasser, encore et encore. Ce sera une sorte d’immortalité littéraire. Finalement, les robots nous perpétueront plus fidèlement que nous l’aurions fait nous-même.

* Tant qu’à, autant se permettre un peu d’autopromotion.

dimanche 19 avril 2020

L’avis du Minotaure


Jai posé quelques questions au bœuf de mon voisin. Je voulais savoir ce qu’il pensait de nos femelles. Après tout, nous, les humains, nous ne sommes pas très tendres envers les vaches. Quand il s’agit d’élégance, nous pensons aux gazelles ; pour la beauté de leurs yeux, les biches remportent notre préférence. Nous nous permettons même de qualifier de vache une personne grossière au physique comme au moral. Je tenais à entendre un avis formulé depuis l’autre côté de la clôture (littéralement : le bœuf et moi étions séparés par celle qui délimite la propriété du voisin).

Voici ce que ce sympathique bovidé m’a répondu (je traduis ses propos) :


« Vraiment, vous, les humains, mâles ou femelles, qu’importe, vous êtes la risée de tous les autres animaux. De quoi avez-vous l’air à vous promener sur vos deux pattes de derrière ? Vraiment ! Et vos extrémités pleines de doigts et d'orteils : vous auriez mieux fait d’adopter les sabots, c’est plus solide. Et tout le reste : vos figures sans museau, vos fronts stupides, sans cornes ; le mince cou qui soutient votre tête ronde serait incapable de supporter le poids d’une cloche en métal. Le comble du ridicule est atteint par vos femelles (puisque c'est l'objet de votre question). À quoi leur sert de garder leurs mamelles hautes, pointées en avant comme des pare-chocs, plutôt que de les laisser pendre près du sol pour que vos petits puissent les atteindre. Voulez-vous qu’ils meurent de faim sitôt au monde ? Entre bovins, nous nous disons souvent que les humains sont les animaux les plus pitoyables de la ferme. Mais mon jugement est peut-être biaisé par la situation privilégiée que j’occupe. Après tout, les bovins occupent le sommet de l’Évolution. Il est donc juste que les humains se mettent entièrement à notre service, nous soignent, nous nourrissent, comme ils le font. Ils sont laids et humains (il voulait sans doute dire bêtes), mais utiles et dévoués. Sans doute qu’ils se rendent compte de leur infériorité et agissent en conséquence. »

(À propos de l'avis du Minotaure annoncé par le titre, voir ce billet du 17 mars dernier.)

vendredi 17 avril 2020

Mesure de capacité ou âgisme mathématique


Arrivé à un certain âge, la question du verre à moitié plein ou à moitié vide ne se pose plus. Il est à moitié vide. Et encore, ce serait beau.

jeudi 16 avril 2020

Covid-19 : comportement d'évitement


Je zigzague tellement en passant d'un trottoir à l'autre pour ne croiser personne quand je sors que j'ai a reçu une amende pour ivresse sur la voie publique.

mercredi 1 avril 2020

Covid-19 : devinette


David, Ovide et Covid sont en bateau. Le bateau chavire ; qui est-ce qui s'enrhume ?

samedi 28 mars 2020

Covid-19 : journal de confinement


J'ai fait une promenade cet après-midi pour faire le plein face à la Covid-19. Il y avait un nombre inhabituel d'adultes qui se promenaient avec leurs enfants. Les pauvres parents, dans l'impossibilité de les envoyer jouer ailleurs, sont en confinement avec leurs rejetons même à l'extérieur...

Le silence dans mon immeuble de 14 étages est hallucinant ; plus d'allées et venues de locataires, circulation minime sur le boulevard et sur l'autoroute. Mon bruit de fond quotidien a disparu. Atmosphère paisible et quand même un peu angoissante.

Je réfléchis au sens de la vie, confinement oblige. J'ai l'impression que ce n'est pas moi qui vais résoudre ce vaste problème. Le temps qu'on perd tous depuis le début de l'humanité à se poser les mêmes question et à ne pas plus s'approcher de la réponse les uns que les autres.

lundi 23 mars 2020

Covid-19 : malheureux, le Minotaure ?


En cette période d’isolement, on se sent un peu comme le Minotaure au milieu de son labyrinthe : personne ne trouve le chemin pour nous joindre et nous-mêmes ne trouvons plus celui de la sortie.

Faut-il plaindre le Minotaure ? À trop chercher la lumière au bout du tunnel, on oublie celle qui brille au cœur du labyrinthe.

Voyez votre Minotaure, ou plutôt, imaginez-le dans son fauteuil, le profil révélé par l’éclairage tamisé de l’abat-jour ; à l’aide de quatre doigts, sans le concours du plus petit (le Minotaure est un être raffiné), il maintient suspendue en l’air une tasse de porcelaine d’où se déroulent les volutes d’une tisane odorante ; de l’autre, il garde ouvert sur ses genoux le volume qu’il se promettait depuis si longtemps de lire ou de relire.

Aucun bruit. Rien que le frottement des pages, un « slurp » de temps à autre (gorgée de tisane). Le cerveau n’a pas de gargouillis, ses digestions, ses assimilations, sont silencieuses.

Alors, malheureux, le Minotaure ?

(On peut remplacer la tisane par un autre liquide et la tasse par le contenant approprié.)


Henri Lessard, publié le 23 mars 2020 dans la page Facebook des Éditions L’Interligne (mon éditeur : Grève des anges : nouvelles, 2019).

mardi 17 mars 2020

La vie aux temps de la COVID-19


En ces temps d'isolement volontaire, on se sent un peu comme le Minotaure au milieu de son labyrinthe : personne ne trouve le chemin pour nous joindre et nous-mêmes ne trouvons plus celui de la sortie.

Version longue 

Isolation

Cette année-là, la période d’hibernation terminée, les gens se sont empressés de se claquemurer au lieu de courir se chauffer au soleil.

De rares piétons ne sortaient pas sans apporter un balai. Non pour œuvrer au ménage du printemps, mais pour tenir à bonne distance les autres assez audacieux pour se risquer dehors.

— On se sent un peu comme le Minotaure au milieu de son labyrinthe : personne ne trouve le chemin pour nous joindre et nous-mêmes ne trouvons plus celui de la sortie, m’a dit mon voisin de palier sur le seuil de sa porte et derrière son masque.

Une fois que je me fus assez éloigné, il pulvérisa du désinfectant dans l’air et sur les traces de mes pas.

Les parents s’enfermaient avec leurs enfants à domicile : j’appréhendais les cas de cannibalismes à venir, destinés à masquer ou à justifier d’inévitables infanticides.

Les malheureux qui n’habitaient pas avec leur partenaire dormaient seuls sous la couette.

Grâce au télétravail, les personnes en couple découvraient qu’elles ne s’étaient mutuellement supportées jusque-là que dans la mesure où le boulot, les activités et les amis leur évitaient de se côtoyer vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Les malheureux qui n’habitaient pas avec leur partenaire dormaient seuls sous la couette. Les sites de rencontres fermaient, ne servant plus à rien.

Les personnes qui avaient de l’âge se méfiaient de celles qui en avaient moins.

Pour me consoler, je pense à l’automne, à la lumière de l’automne. C’est beau l’automne et, assez souvent, tiède. Même chaud, parfois.

vendredi 13 mars 2020

Purée !, plus de Purell


À force d'avoir mes mains dans le Purell, mes ongles ont fait une cirrhose.

Variante

À force de tremper dans le Purell, mes mains ont échoué à un alcotest.

samedi 15 février 2020

Odeur


L'argent n'a pas d'odeur, paraît-il.

Les rêves non plus, il me semble.

lundi 10 février 2020

Grève des anges au SLO 2020


Avis : ce blogue a pris temporairement l'aspect d'un blogue littéraire...


Grève des anges. Nouvelles (2019)
Henri Lessard
Les Éditions L’Interligne, coll. « Vertiges »
104 pages | 20,95 $
ISBN 978-2-89699-668-1

Pour les personnes intéressées (les autres peuvent évidemment passer leur chemin) : voici l'horaire de mes séances de dédicaces au Salon du livre de l’Outaouais pour mon recueil de nouvelles Grève des anges.


Où et quand

Le Salon du livre de l'Outaouais se tiendra du 27 février au 1er mars 2020, au Palais des congrès de Gatineau, 50, rue de Maisonneuve, Gatineau (secteur Hull).


Séances de dédicaces : Henri Lessard, pour Grève des anges.
Je serai au stand du REFC (nos 119-120) :


  • Jeudi 27 février : 10 h 00 - 11 h 00
  • Vendredi 28 février : 12 h 00 - 13 h 00
  • Samedi 29 février : 10 h 00 - 11 h 00


Liens utiles :




Pour plus de détails sur Grève des anges, outre le site de l'éditeur plus haut, voir le billet du 25 sept. 2019 : « Autopromotion : Grève des anges ».


Grève des anges : présentation

Comment décrire Noëlle, héroïne des nouvelles de Grève des anges ? Sachez qu’elle entretient des relations étroites mais conflictuelles avec les pommes de laitue en plus de redouter que sa baignoire n’achève de la rende agoraphobe. Au début du recueil, elle termine ses études secondaires et affronte le rejet ; à la fin, elle est à l’université et travaille dans un café. Dans tous les cas, Noëlle ne quitte qu’à regret la pénombre des coulisses pour s’exposer aux feux de la rampe.
Coup de foudre assuré pour ce personnage attachant et (légèrement) névrosé.

jeudi 6 février 2020

Voyages


On voyage pour oublier qu'on habite toujours le présent.


Il y a toujours plus d'avant et d'après que de pendant.

Ça vaut pour le sexe et pour un tas d'autres choses.


« Quand c'est fini, n, i, ni, ni, ça recommence. »
Léo Ferré

Pas toujours, hélas.

Alors, on ne veux courir aucun risque, on voudrait que ça finisse pas.

Tête à tête


Dans un café, un gars et une fille font connaissance.

Le fille se tortille d'aise sur sa chaise, accueille avec un large sourire le moindre propos du gars.

Le gars ? Il me tourne le dos, mais je suppose qu'il est aux anges.

Ils se lèvent, le gars s'éloigne vers le fond du café.

La fille, partie en avant, affiche maintenant une tout autre mine. Il y a quelque chose de lugubre dans sa physionomie.

Qu'en conclure ?

lundi 3 février 2020

Raconter l'Est ontarien


Les Éditions David d'Ottawa viennent de faire paraître le collectif Raconter l'Est ontarien.


« Le concours d’écriture que les Éditions David lançaient au printemps 2019, « Racontez-nous l’Est ontarien », visait à rassembler des textes qui évoquent ce milieu, mais aussi les gens qui l’habitent, les histoires qui y circulent, la culture ou les lieux qui l’animent, bref ce qui en fait son caractère unique (site des Éditions David). »

http://editionsdavid.com/products-page/raconter-l-est-ontarien/
Raconter l'Est ontarien
Hors collection
328 pages
Parution : 31 janvier 2020
ISBN (Papier) : 978-2-89597-721-6
ISBN (ePub) : 9782895977490
ISBN (PDF) : 9782895977483


Quarante textes, quarante contributions, quarante points de vue, quarante partis pris pour l'Est ontarien. On prend plaisir à visiter cette région très francophone de l'Ontario en feuilletant les pages d'un recueil aussi varié que coloré.

À propos de parti pris, le fait que je sois l'un des quarante contributeurs n'affecte en rien mon jugement en faveur de l'ouvrage ou de l'Est ontarien ! « Juliette et Béatrice » vous attendent (avec moi) au milieu de pages de Raconter l'Est ontarien.

Ce blogue va finir par ressembler à un blogue littéraire...

vendredi 31 janvier 2020

Les Dépossédés du Vieux-Hull : récit poétique


Pierre Raphaël Pelletier,
Les Dépossédés du Vieux-Hull :
récit poétique,
Ottawa, Les Éditions David,
coll. « Indociles », 2020, 144 p.
17,95$
ISBN 978-2-89597-726-1


Pierre Raphaël Pelletier nous raconte son Vieux-Hull. Petites vies au raz de l'asphalte et du ciment des trottoirs ; c'est l'Île-de-Hull d'autrefois, avec la rue Principale (promenade du Portage) et ses commerces courus pour artère et le parc de la Gatineau comme poumon lointain. C'est le Vieux-Hull d'un poète qui remonte jusqu'à ses années d'enfance.

« La rue Principale / avec le coin qu'on préfère qui ramène à l'essentiel / la rue à portée de la main / la rue à portée de l'humain (p. 135). »
« Vous baignez dans ce décor / enfants insouciants / d’une époque rassurante (p. 16). »

C’est aussi l’histoire d’un quartier populaire, d’un quartier ouvrier. Entre 1969-1975, 1600 maisons sont démolies, 6000 familles sont expropriées de façon cavalière pour faire place aux édifices fédéraux et provinciaux. Les Dépossédés du Vieux-Hull remémorent le drame des gagne-petit arrachés à leur cadre de vie, aux liens familiaux et sociaux qui tissaient la trame de leur existence. Le Vieux-Hull a été saccagé, ce qu'on ne pouvait exproprier - l'église Notre-Dame, l'hôtel de ville - a opportunément disparu en fumée.

Magouilles financières et tripotages politiques l’ont emporté ; l'omerta clouait les lèvres. Protestations et contestations n’ont rien changé à l’affaire. Benoît, le frère poète de l'auteur, gardera longtemps les séquelles d'un coup de matraque constabulaire...

Pierre Raphaël a la bonne inspiration de ramener à plusieurs reprises notre attention sur le destin de ses proches. Je ne détaille pas ici le compte des bons et mauvais jours, des plaisirs et des deuils, des projets et des désillusions. On trouve là les pages les plus attachantes du livre, les plus riches en humanité. La texture même de la vie nous y est révélée.

Passent l’ombre de personnages marquants, Marcel Chaput, Mgr Charbonneau ou celle du peintre Jean Dallaire. Celles, plus anonymes, du « Club des poètes maudits »…

Les Dépossédés nous offrent ainsi une triple biographie ; celle de l'auteur, de sa famille et du Vieux-Hull. Le texte est scandé par plusieurs poèmes qui redisent la prose d’une façon plus lyrique et plus personnelle.

De courts chapitres donnent un rythme enlevant à la lecture. On espère des jours meilleurs, on attend le retour du printemps, « celui qui reste pour de bon/qui sourit amusé d’être là (p. 101). »

Mais quel printemps espérer pour le Vieux-Hull défunt ?

« Mon Vieux-Hull date de 1900. Au-delà des mots et de lancinantes étrangetés, liées entre elles par des forces funestes, d’autres feux d’origine suspecte illuminent les cieux du centre-ville de Hull lors de sa destruction au tournant des années 1970. Résonnent de sourdes complaintes dans les rues des quartiers ouvriers qui ont échappé au carnage. Ainsi a-t-on détruit ma ville natale, et l’on continue, encore aujourd’hui, à vouloir mettre fin à d’autres quartiers patrimoniaux, au profit de tours à condos luxueuses et... gourmandes. Il va sans dire que j’ai été témoin — comme tant d’autres — de la barbarie qui s’est abattue sur le Vieux-Hull. À la lumière de tout ceci, j’ai écrit ce court récit poétique pour rappeler les moments heureux et malheureux de mon enfance, de mon adolescence et la fin de ma jeunesse, vécues dans ce qu’on appelle maintenant l’Île de Hull. J’espère que ce récit, écrit au fil de la mémoire d’un enfant d’alors et d’un écrivain d’ensuite, avec les inexactitudes qu’engendrent les souvenirs nourris de fantasmes choyés dans la fiction, saura vous émouvoir... et vous faire retrouver le passage vers votre propre enfance (Les Dépossédés du Vieux-Hull, p. 13-14). »

Henri Lessard, 31 janv. 2020


* * *


Né à Hull, du côté québécois de la rivière des Outaouais, Pierre Raphaël Pelletier a passé la plus grande partie de sa vie du côté ontarien, où il a milité dans de nombreux organismes artistiques et culturels francophones. Menant une double carrière d’artiste visuel et d’écrivain, il a réalisé plus d’une trentaine d’expositions, solos ou en groupe, et publié une vingtaine de livres. (Paragraphe biographique extrait du site des Éditions David.)

vendredi 24 janvier 2020

Y’a toujours pas de souci !




Michèle Bourgon lance à Gatineau son dernier né, Y’a toujours pas de souci !


(Ce texte est repris dans le blogue de Michèle Bourgon, « Les humeurs de la mère Michèle ».)

Résumé

Dans Y’a pas de souci ! (tome I), Michèle Bourgon décrivait ses aventures à Vauvert, en Petite-Camargue et à Vézelay, en Bourgogne, suite à des invitations en résidences d’auteure.

Dans le nouvel ouvrage, Y’a toujours pas de souci ! (tome II), Michèle emploie le même ton humoristique pour décrire sa résidence d’auteure à Caen, en Normandie.


Lancement


Gatineau, Maison du Citoyen, dimanche 26 janvier 2020 à 14 h : https://leshumeursdelameremichele.wordpress.com/2020/01/15/gatineau-ottawa-ya-toujours-pas-de-souci/



Mon avis critique


Comment visiter la France, revoir sa Normandie, loger dans un atelier d'artiste, donner une conférence sur les Filles du roy (vous savez, les nanas de Louis XIV, qui en avait à revendre), survivre à l'invasion par les toits d'un commando composé d'un seul homme et revenir saine et sauve au Québec ?

Outre la peur des araignées (je ne fournis pas de photo pour épargner la sensibilité de Michèle), l’auteure, accompagnée de ses comparses, Danièle et Isis, sans oublier Clito, leur voiture de location, en arrive à se méfier des douanes, des réservations d'hôtel, des heures d'ouverture (ou de fermeture) des restaurants, des navettes, des autoroutes (qu'il faut emprunter) et des stationnements (où il faut bien s’arrêter).


Comment faire le plein en France ? Comment fonctionne une buanderie, pardon, une laverie en Normandie ? La France et le Québec ont beau être dans le même hémisphère (Nord), un océan les sépare (l’Atlantique).

Tout au long des pages, les anecdotes savoureuses défilent à un rythme enlevant. Michèle apprend à faire contre mauvaise fortune, bonne... ventilation !

« Mon innocence est ma forteresse !», affirme Michèle, à bout de ressources. (C'est pas vrai, c'est le marquis de Montcalm qui a dit ça, mais je trouve que ça lui irait bien, à Michèle, comme devise.)

Mais ne prenons pas tout au tragique. Y’a toujours pas de souci ! abonde en rencontres agréables ; il fonctionne un peu comme un guide touristique, truffé de descriptions et d'aperçus historiques, mais rédigé avec humeur, humour et amour de la France. Le ton est enjoué, et je ne suis pas sûr que Michèle s’emploie réellement à nous faire pleurer sur son sort. On a plutôt envie de rire avec elle. Michèle ne s'épargne pas et de tous les êtres qu'elle rencontre, c’est elle qu'elle épingle le plus.

Professeure à la retraite, Michèle a un œil attendri sur les falaises blanches d'Étretat : combien de tableaux pourrait-on couvrir avec cette masse de craie ?

Certains renseignements pourront être utiles à ceux qui seraient assez téméraires pour risquer quand même une expédition en France. (J'exagère, le ton général est tout à fait sympathique.)

Y’a toujours pas de souci ! : récit humoristique d'un séjour en Normandie.