PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

samedi 31 décembre 2016

Communication sur la communication


Je suis de la génération à laquelle Jeannette Bertrand a tenté d'inculquer la religion de la communication comme panacée aux problèmes relationnels. Entre conjoints, entre parents et enfants, entre x, y et même z, rien ne devait résister à la communication. Cet évangile selon sainte Jeannette ne m'a jamais convaincu. Je ne fais pas partie des convertis ou des disciples.

En plus de ceux qu'elle aggrave ou ne résout pas en entier, la communication crée ses propres problèmes. Tout au culte de la communication, on néglige cet aspect des choses. D'ailleurs, on ne communique jamais autant que lorsque survient un problème.

L'erreur est sémantique. Ce que nous nommons communication n'en est pas.

Prenez deux amoureux au tout début de leur idylle. Ils communiquent sans cesse. Par le regard, le toucher, le geste, la pensée, ils ne font que ça, communiquer. Et quand ils se parlent (parce qu'il faut bien parler*), l'essentiel passe par le regard, le toucher, le geste, la pensée, et non par les mots. Pourtant, ils communiquent à qui mieux mieux.

* Notez que je n'ai pas dit «parce qu'il faut bien communiquer».

Quelques mois plus tard, leur flamme ayant diminué d'intensité, ils commencent alors à communiquer, c'est-à-dire vraiment communiquer, avec des mots. Et les malentendus surviennent. Parce que les mots sont aussi source de malentendus, on l'oublie trop souvent. La bulle éclatée, chacun retrouve son quant à soi et communique enfin, selon le sens que vous donnez à la chose. Ils communiquent, dites-vous ? Non, ils négocient. Ce n'est pas du tout la même chose.

Vraiment pas.

À confondre communication et négociation, on n'a pas seulement cédé à une erreur sémantique, on a multiplié les occasions d'aggraver les conflits et de les multiplier.

Avouez que plusieurs appels à la communication sonnent en réalité comme des ultimatums - «chéri, il faut qu'on se parle...» - ou des déclarations de guerre.

La négociation n'est pas une chose mauvaise en soi. Mais à baptiser communication ce qui relève du marchandage ou de la négociation, on entretient bien des illusions. La communication, telle qu'on l'entend, est un jeu de pouvoir et annonce souvent l'enfer.

Les discours de Jeannette Bertrand reposent au fond sur des présupposés jamais exprimés et jamais discutés. Les choses ont été bien faites, les hommes et les femmes, les humains en général sont faits pour s'entendre. Avec un peu de bonne volonté, un brin de franche communication (comme si une telle chose existait !), et tous les problèmes se dissiperaient.

Les conflits, solubles dans la parole ?

En réalité, les choses ne sont ni bien ni mal faites. Elles sont, c'est tout, et la bonne entente automatique ou fondamentale ne faisait pas partie du programme. Les hommes et les femmes, les humains en général, ne s'entendent pas. Et n'ont pas intérêt à toujours préciser les termes de leurs désaccords. Ni de leurs accords !

C'est comme ça, on n'y peut rien.

La paix repose souvent sur le refus de communiquer.

lundi 26 décembre 2016

Que dire du e muet ?


Réconciliation finale des deux genres : la question du e muet

Les mots entre [crochets] sont transcrits phonétiquement. Il est donc inutile de me signaler mes [fôte] :
  • En italique, à l'intérieur d'un mot : consonne ou voyelle faible, ou peu accentuée ;
  • En gras : consonne forte, accentuée.

En français, contrairement à ce que l'orthographe suggère, c'est souvent le masculin qui se signale par un e muet à la fin d'un mot.

Notre orthographe masque le phénomène, étant purement conventionnelle et en partie indépendante de la prononciation.

Un Martien frais débarqué sur Terre, contraint d'apprendre le français par oreille (en admettant que les Martiens aient des oreilles), conclurait vite que, dans notre langue, les formes féminines des noms et des adjectifs se concluent par une finale beaucoup plus énergique et sonore que leurs équivalentes masculines.

Nous sommes devenus insensibles à ce phénomène banal qui se vérifie pourtant des millions de fois par jour. On nous dit que le féminin se caractérise par un e final muet et nous allons répétant cette ineptie comme une vérité évidente sans même penser à écouter.

Exemple : l'adjectif «vif», qui donne «vive» au féminin. On dira : Un homme [vif] et Une femme [vive].

Le f final de «vif» est à peine soufflé alors que le second v de «vive» est clairement émis.

Autre exemple : «fort» et «forte». La forme masculine est atone. La forme féminine est tonifiée par l'obligation de rendre t final. En fait, on prononce «Un homme [fore]» et «Une femme [fort]». C'est au masculin que, souvent, un e muet final discret se fait sentir.

Voyons «chanteur» et «chanteuse», prononcés [chanteur] et [chanteuze]. C'est toute la syllabe finale qui, du masculin au féminin, passe d'un ton faible à un ton énergique. Prononcez ces deux mots à voix haute et constatez la diférence de ton entre le «eu» de «chanteur» et celui de «chanteuse».

Maintenant que vous avez compris le principe, voici l'«auteure». (Oublions pour faire court ses innombrables confrères, pardon, consœurs : docteure, gouverneure, noceure, etc.)

Si on suit la logique interne du français, il faudrait un terme masculin atone ( [oteur] ) et un féminin sonore ( [oteuze] ). La forme «auteure» est un un hybride, une sorte de monstre qui va l'encontre de toutes les habitudes d'articulation des francophones : au lieu de passer, au masculin, d'une consonne faible ( [r] ) à une consomme forte ( [z] ) au féminin, on conserve la forme masculine en y ajoutant machinalement un e muet.

Ce qui nous fait trébucher sur ce traite r pour émettre ensuite un «euh» final pas très élégant : [auteu-reuh].

La fonction du e muet est d'accentuer la consonne finale, occultée au masculin, pour lui conférer, au féminin, une présence plus énergique.

dimanche 25 décembre 2016

CQFD


Tautologie suprême


J'existe, donc je suis.

dimanche 18 décembre 2016

Dit-elle


Dit-elle, ou les dits de ma voisine

La nuit, les photons émis par des étoiles situées à des centaines ou des milliers d'années-lumière entrent par mes pupilles. Ils meurent sur ma rétine, après un interminable voyage en ligne droite à travers le vide, pour produire, au fond de mes yeux, une étincelle tremblotante que je prends pour l'image de leur astre d'origine.

Drôle de destin que celui de ces photons.

jeudi 15 décembre 2016

Le zzzen de décembre


Décembre, mois du solstice sans soleil, moment le plus sombre de l'année. Le plus froid aussi, dans la mesure où le retour de l'hiver est durement ressenti ; en janvier et février, nous avons eu le temps de nous acclimater au climat (le faut bien !), et les chutes du mercure ne nous effraient plus. Dans un sens, décembre porte le deuil du printemps, de l'été et de l'automne. Lourd fardeau.

On pourrait déduire de cette entrée en matière que je déteste décembre. Que nenni ! Décembre et moi sommes en phase. Mon énergie est alors à son plus bas, comme le soleil, et cette symbiose m'offre l'occasion, pour une fois, de faire corps avec la nature. Ce creux annuel est parfaitement viable si on ralentit le rythme, si on ne se contraint pas à une suractivité compensatrice.

En décembre, enroule-toi dans ta douillette, love-toi au creux des soirées interminables qui te sont offertes, laisse-toi tomber dans ce trou d'air annuel, tu te relèveras, le moment venu, sans contusion ni bleu.

Décembre est le mois de l'introspection, du cocooning, du blues bien vécu ; c'est un mois zen, et même un peu zzzz si l'on cède à l'instinct d'hibernation qui saisit alors les mammifères grognons que, parfois, nous sommes.

Tout irait pour le mieux si certains ne tenaient pas mordicus à contrer cette belle léthargie par une frénésie maniaque. Décembre, mois le plus doux, le plus serein de l'année si on se laissait aller à ce qu'il nous invite à faire, rien. Or, au lieu, des cohortes d'excités parcourent le monde pour traquer et secouer tout un chacun : « C'est Noël, yé ! Faut fêter, yé ! C’est Noël ! »

La meute est sonore, nombreuse, ses membres s'infiltrent partout et entendent saturer l'Univers et les esprits de leurs mots d'ordre. Je l'ai dit ailleurs, Noël est une fête soviétique, à adhésion et participation obligatoires.

Vous me direz que je n'ai qu'à bouder dans mon coin et laisser les autres s'amuser.

Vous êtes drôles, vous !

D'abord, c'est inverser les données du problème : je ne prétends pas empêcher les autres de s'amuser, ce sont les autres qui veulent m'obliger à fêter avec eux. Ensuite, c'est impossible. On est toujours à portée d'un zélateur ou d'une zélatrice du culte de Noël. Combien d'invitation ai-je déjà dû décliner, et nous n'en sommes qu'au 15 décembre ?

Traverser le temps de fêtes sans froisser personne (« Yé ! Viens fêter avec nous ! ») est utopique.