PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

lundi 31 décembre 2018

Souhaits précédés d'un aphorisme réconfortant


Au fond, chacun fait de son mieux tout en sachant que ça ne sera sans doute pas suffisant.

Ceci dit, passez une bonne année 2019.

samedi 29 décembre 2018

Divorcer de son époque


(Note. - J’ai écrit ce texte en janvier 2018, soit avant que n’éclatent les affaires SLAV et Kanata.)

À partir de quel moment divorce-t-on de son époque ?

On ne peut pas dater un divorce, l'événement lui-même est la conclusion d'un long processus. Dans mon cas, l'élément déclencheur remonte aux années 1970, je ne peux préciser davantage. J'écoutais la télévision d’une oreille distraite quand j’ai entendu Jeannette Bertrand interroger une invitée à propos de « son vécu ». J’ai aussitôt éclaté de rire. C’était la première fois que j’entendais cette expression. Était-il possible d’être gnangnan à ce point, aussi cucul ? Jeannette n'avait pas créé l’expression qui avait déjà une histoire (1), mais elle l'avait chargée par le ton et la manière d'une telle dose de mièvrerie que ces deux syllabes – vé-cu – provoquèrent en moi un haut-le-cœur dont je ne suis toujours pas remis.

C’était mal parti. Petit à petit, les dégâts se sont accumulés. Le malentendu entre moi et mon époque s’est peu à peu aggravé.

Quelques années plus tard, vers la fin des années 1980, j’ai entendu à la radio un bonhomme parler de la quête de notre « enfant intérieur ». De votre enfant intérieur, si vous permettez, ce n’est pas le mien ! Un sentiment de découragement, une sorte d’abattement m’est tombé dessus. Ce qui faisait jusqu’alors la valeur de l’enfance, c’était la distinction qu’il était possible de faire entre l’état d’enfance et celui d’adulte ou de maturité. Maintenant que cette distinction disparaissait – puisque tous ceux qui se lançaient à la recherche de leur enfant intérieur le découvraient, vous pensez bien –, à quoi bon avoir des enfants ?

Les enfants réels devenaient superfétatoires. Les grands enfants qui peuplaient le monde suffisaient amplement à fournir la dose de jouvence dont l’humanité ne pouvait se passer.

Et je décidai, en bonne logique, de ne jamais avoir d’enfant, puisqu’ils étaient devenus facultatifs, les adultes en tenant lieu.

Auparavant, en 1979, il y avait eu l’affaire des Fées ont soif. Rappelons qu’un groupe de catholiques s’étaient adressé aux tribunaux pour faire interdire cette pièce de théâtre de Denise Boucher qu'ils jugeaient offensante envers la Vierge Marie. J’avais été enchanté de la victoire des défenderesses. C’était une victoire de la liberté d’expression, une victoire aussi pour les femmes. Je fus d’autant plus surpris de découvrir immédiatement ensuite que les porte-paroles des femmes réclamer à tour de bras que l’on muselle toute parole ou pensée qui n’était pas dans la droite ligne de leur orthodoxie. Les mots « il faudrait interdire » (2) revenaient comme une incantation dans le discours féministe. Mon incompréhension était totale : la libération de la femme étant un résultat de la liberté d’expression, se retourner contre cette dernière ne pourrait, à la longue, que se retourner contre les femmes. Radio-Canada est allé jusqu’à accueillir un groupe de femmes qui ne demandait rien de moins que l’interdiction du film Le déclin de l’empire américain de Denys Arcan. Motif : une scène de ce film perpétuait (je cite de mémoire) « des préjugés séculaires à l’endroit des femmes » (3) …

Au moins, le problème religieux ne se posait plus. La gauche mangeait du curé et il ne serait venu à personne l’idée de crier à l’outrage ou au blasphème. Aujourd’hui, les personnes aux opinions avancées (la gauche de la gauche) trouvent tout naturel d’entourer la religion d’une muraille de lois et de barbelés de mesures qui la mette à l’abri de toute critique. Je dis « la religion », mais il faudrait entendre « certaines religions », certaines étant plus égales que d’autres, surtout l’une d’elles, vous savez laquelle, celle qu’il ne fait pas bon de critiquer. (Pour les moins égales, il n’y a pas à se gêner.)

En matière d’intégrisme religieux, nous avons fait un progrès considérable. Et de censure des discours aussi. Quoique, les gens n’osant plus parler, la censure est rarement nécessaire.

Les sourds ont disparu du paysage ; il ne restait que des malentendants. De même pour les aveugles, les vieux, les infirmes, les nains… Renvoyés pour faire place aux non-voyants, aux gens du troisième âge, aux z-handicapés, aux verticalement différents. À ceux qui me taxeraient d’insensibilité, je répondrai que l’usage d’euphémismes est une version particulièrement visqueuse du paternalisme (du maternalisme ?) et de l’hypocrisie. C’est aussi attenter à la transparence du langage, le charger de termes dont la fonction n’est plus de nommer les choses, mais de les escamoter de la réalité.

L’esprit de l’époque s’est modifié. On ne discute plus, on n’argumente plus, on se contente de lancer des anathèmes qui n’ont pas fonction d’alimenter un débat, mais d’exclure de la tribune ceux qui ne pensent pas comme il faut. Parler reste un droit, à la condition de dire ce qu’il faut dire. En fait, s’exprimer est même une obligation : la personne qui ne manifeste pas son adhésion spontanée et bruyante aux mots d’ordre du moment est tout aussitôt suspecte. Roland Barthes disait que le fascisme ne consistait pas à faire taire les gens qu’à les obliger à parler (4). Il ne croyait pas si bien dire… La rectitude politique, puisque c’est d’elle dont je parle, empoisonne les esprits. Il n’existe plus de gens à convaincre, que des monstres et des salauds à détruire.

La Gauche, dont je continue malgré tout de me réclamer, a trahi ses idéaux. Le discours des « minorités » (terme qui serait à définir, mais je n’en ai pas le courage pour l’instant) revient à légitimer l’usage de la Kalachnikov dans les discussions : dès qu’une « minorité » s’exprime, tous s’aplatissent au sol, abattus ou terrorisés. Si on reconnait une démocratie aux soins qu’elle met à protéger une minorité contre la majorité, il faut se rappeler que la tyrannie se définit par le pouvoir d’une minorité sur la majorité.


1) Vécu. – « Subst. masc. sing. à valeur de neutre. Expérience vécue, réalité telle qu'elle a été vécue. Le vécu n'est jamais tout à fait compréhensible, ce que je comprends ne rejoint jamais exactement ma vie (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 399). » Source : http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=467978295;r=1;nat=;sol=1;
2) La liste des choses à interdire est interminable.
3) Aujourd’hui, pour la même scène « outrageante », on pourrait réclamer l’interdiction du film pour motif d’homophobie.
4) « Le fascisme ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire. » Roland Barthes

mardi 25 décembre 2018

Lassitude




Lassitude du temps des fêtes ?
(Vieux dessin, vers 1990.)

lundi 3 décembre 2018

Bonheur


Sommes-nous plus heureux qu'autrefois ? Déjà, dans les publicités des magazines de l'an 1920, les gens souriaient sans retenue. Moi qui croyais que le bonheur était une acquisition récente.

dimanche 2 décembre 2018

Bis repetita placent


On ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière.
Héraclite

On ne couche jamais deux fois avec la même femme.
Don Juan

On rit au moins deux fois à la même blague recyclée.
Un humoriste