PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

vendredi 24 décembre 2021

Variantions sur un thème


Noël a aussi ses variants ; Noëlle, Noellet, Denoël, Natalis, Nathalie, Natacha, Nadalis, Nadal, Nadau(d), Nadeau...

Pensez aussi aux variants du mot « joyeux » : agréable, allègre, charmant, enjoué, exultant, jovial, jubilatoire, radieux...

Il y a bien mille variations possibles quand on envisage toutes les combinaisons.

Pour ma part, j’hésite entre vous souhaiter un Charmant Noellet !, une Allègre Nathalie ! ou un Agréable Nadeau !

Ce sera comme vous préfèrerez.

Même, pourquoi pas, le comble du comble, puisqu’au Moyen-Âge « Noël ! » était une exclamation de joie, un Noël Noël !

Une sorte de Noël au carré, quoi.

Pour l’année, il me suffira de vous la souhaiter bonne, heureuse ou favorable. Je ne veux pas épuiser mon dictionnaire des variants..., pardon, des synonymes.

Mais bref, pour en arriver enfin à l’essentiel :

Joyeux Noël et bonne année à toutes et à tous !

(Les bonnes vieilles formules restent souvent les meilleures.)

En espérant que le temps des retrouvailles ne tarde pas trop...,

Henri

mardi 21 décembre 2021

Je pense, donc je balbutie

 

Écrire comme on parle ? On ne parle déjà pas comme on pense, alors...


Réflexions du solstice


À notre époque d'égalité tous azimuts, il est étonnant que personne n'ait pensé réclamer l'égalité pour tous les jours de l'année.

Pourquoi la nuit devrait-elle l'emporter sur le jour une moitié de l'année ? Et le jour sur la nuit l'autre moitié ?

Pourquoi ne pas instaurer un équinoxe perpétuel ?

Allons plus loin, jusqu'au bout de la logique égalisatrice et nivellatrice. La nuit a droit à sa part de soleil, le jour à sa part d'obscurité. La distinction même entre le jour et la nuit est fâcheuse. Qu'en pense les inté.e.ressé.e.s.es. Il aurait fallu d'abord s'enquérir de leur avis. (De leur.e avis ?)

Ces définitions arbitraires plaquent sur la réalité des contrastes et des différences qui justifient à leur tour une classification hiérarchique des êtres et des choses. Rien que l'expression « c'est comme le jour et la nuit » est lourde de sous-entendus discriminatoires. Pourquoi le jour avant la nuit ? Pourquoi la préférence toujours accordée au premier terme de la comparaison ?

La tête me tourne. (Dans un sens puis dans l'autre, soyons équitable.)

Réclamons des journées de vingt-quatre heures sans distinctions imposées de jour ou de nuit. Mettons fin au travail de nuit, aux quarts de jour : nous voulons les quatre quarts autant pour le jour que la nuit.

Toujours ! 

Et, pourquoi pas, tounuits !


samedi 18 décembre 2021

Déblayage

...

...

Une seule absence et tout est désert.


Défectueux par défaut

 

Perdre nos défauts ne nous ajoute aucune qualité.


vendredi 17 décembre 2021

Contraireux


Jean-Paul Lacroix a écrit Devenir tout Jonathan. Moi, j'ai envie d'écrire Devenir tout Bartleby


Bavardages


Un fou est quelqu'un qui veut toujours discuter mais avec qui il est impossible de parler.


mercredi 15 décembre 2021

Conte de faits mélangés


Le petit Poucet se trouva fort dépourvu quand la neige tomba sur ses cailloux blancs.

Vous me suivez ?


Mon savoir est complet dans la mesure où je ne suis pas conscient de ses limites ; mon savoir est une ignorance. Donc, mon ignorance est complète au point de s'ignorer elle-même et de se prendre pour le savoir entier.

Vous me suivez ?


vendredi 10 décembre 2021

Bye bye

 

« So long ! », ansi qu'aimait le dire Solon lorsqu'il prenait congé.


Sacré dilemme

 

À quoi bon demeurer chrétien si les dieux sont païens ?


jeudi 9 décembre 2021

Vue

Rien. Je trouvais que la photo allait bien avec la couleur de fond du blogue. (Parc Jacques-Cartier, Gatineau QC, 9 déc. 2021.)

Dit-elle

Les dits de ma voisine

« Quand je suis avec une amie, il y en a toujours une qui est la plus belle et ce n'est pas toujours moi. » 

Parfois, trouver quelque chose à répondre aux confidences de ma voisine m'oblige à de grands efforts.


Luminaires


Les lampadaires pensifs qui éclairent leur pied.


Rime riche

 

Joke et woke ont trois lettres en commun. Mais c'est tout.


mercredi 8 décembre 2021

Illusoire illusion


Tout n'est peut-être qu'illusion, mais une illusion partagée et dont personne ne peut sortir ou se libérer, ça ressemble drôlement à la définition de la réalité.


Droit d'auteur


Il suffit d'omettre ses sources pour être considéré comme le créateur. Dieu ne cite pas ses sources, lui, et il est considéré comme le Créateur universel.


Évidence cachée

 

Une forêt, c'est là où il n'y pas assez d'arbres pour cacher la forêt.


Jalousie


Selon la conception courante des choses, la jalousie serait un symptôme pathologique et son absence, le signe d'une bonne estime de soi et d'une excellente santé mentale. 

Vraiment ? 

S'imaginer que son ou sa partenaire ne pourrait pas trouver mieux que soi serait un signe de santé mentale ? Un joli symptôme de fatuité, à mon avis. Il faut être imbus de sa personne à un point extrême pour entretenir une telle présomption. 

La seule chose qui assure une tranquillité d'esprit relative est de savoir que la difficulté de trouver mieux augmente de façon exponentielle avec la qualité de ce que l'on offre. Plus votre cote est bonne, plus le risque de vous perdre en risquant l'improbable, soit de trouver mieux, est grand, ce qui devrait refroidir votre partenaire dans sa quête de la perfection.

Simple calcul. Appelez ça fidélité ou santé mentale, bon sens, sagesse, prudence ou bonne estimation des probabilités, qu'importe.

Évidemment, croire à la qualité de ce que l'on offre relève aussi de la fatuité...


samedi 4 décembre 2021

Neiger à l'indicatif


Il neige ; verbe neiger au présent de l'indicatif. Comment le conjuguer pour dire il neige, il a neigé et il neigera tout l'hiver (et même un peu en automne et au printemps) ?

Existe-t-il un présent étendu qui comprenne le passé, le présent et le futur d'une action commencée et qui continuera ?


Certains semblent s'étonner du changement de saison.

D'autres y sont franchement allergiques. Atchoum !

D'aucuns préfèrent aller au fond des choses. 

lundi 29 novembre 2021

Morne Marne

« Qu'est-ce que tu fais-là dans cette chaloupe ?

- Sépia. »

Photo Eugène Atget, Le-Perreux-sur-la-Marne, près de Paris, 1903 ; tirée du compte Twitter aucharbon, @alcarbon68. (Le dialogue est de moi.)


vendredi 26 novembre 2021

Les joies du travail

Le lac de Constance

Henri Lessard © CopyrightDepot.com no 00072068




En panne d’inspiration, j’ai compulsé ce matin de vieux brouillons. Je suis tombé sur celui-ci, que j’avais écarté de la suite de mon recueil Grève des anges (L’Interligne, 2019, suivre ce lien vers ce billet). Le petit texte qui suit, ni bon ni mauvais, ne méritait peut-être pas un si triste sort et je me suis amusé à le redécouvrir. J’espère qu’il ne vous distraira aussi. La narratrice est la même que dans Grève des anges, il s’agit de Noëlle-Andrée Petit-Lejeune, dite simplement Noëlle, jeune étudiante dans l’histoire qui suit. (Je n'ai pas encore de date pour la parution de la suite de Grève des anges.)


Lorsque j’ai demandé à Constance en quoi consistait son travail, elle s’est accordé un temps de réflexion, m’a dit que c’était « ultra-secret » puis, non, que c’était très facile à comprendre, mais aussi très difficile et très long à expliquer. Enfin, elle a fini par avouer qu’elle préférait parler d’autre chose.

Nous avions été engagées dans le cadre d’un programme estival d’embauche d’étudiants dans différents ministères fédéraux.

Rien que ce prénom, Constance, suffit à faire renaître dans mon esprit toute une association d’idées aussi bénignes que lumineuses ; l’image d’une silhouette mince, d’une chevelure pâle, entre le blond et la couleur paille, d’un visage tout aussi pâle semé de taches de son, des inévitables yeux gris qui accompagnaient cette décoloration générale. Le plus souvent, elle pianotait à son clavier, m’offrant le dos de son fauteuil, les chevilles croisées sous elle, pieds nus hors de ses sandales, dans une posture que je trouvais enfantine. 

Nous œuvrions sous l’égide, ou plutôt sous la houlette de Maryvonne Castel-Dompierre, cheffe de service.

Sa figure infroissable, lisse comme une armure, abrupte comme la paroi d’une banquise, avait toujours pour effet de refroidir ses interlocuteurs. Les subalternes conservent au fond de leur psychée le souvenir de l’époque où les patrons (et patronnes) commandaient, invectives à la bouche et bâton à la main. On n’échappe jamais tout à fait à ses atavismes.

Maryvonne avait une façon d’annoncer des évidences sur un ton neutre et de laisser suspendre quelque couperet ou quelque épée de Damoclès dans les airs et dans les silences dont elle aimait clore ses interventions. J’avais pu voir l’effet que produisaient ses manières sur Constance : effarement, stupeur, hoquets, salutations à la japonaise avec inclination répétée du torse et retraite précipitée.

Ne se rendant compte de rien de tout ça, Maryvonne ne faisait aucun effort pour mettre Constance à l’aise. Ses visites dans nos quartiers laissaient ma collègue en transe. Mes rapports avec notre chère cheuffe étaient plus sereins. Ils étaient gouvernés par notre mutuel sens des responsabilités (j’enjolive un peu mon portrait, là) et notre non moins mutuelle indifférence.

— Elle ne va pas te dévorer, dis-je un jour à Constance. Les ogresses n’existent plus…

— Je ne sais pas, je crois que c’est sa compétence : c’est trop pour la personne si imparfaite que je suis. Elle a toujours raison, elle voit toutes mes erreurs, me les souligne une à une ; pas par mesquinerie ou par plaisir de prendre quelqu’un en défaut : pour m’instruire, pour que je progresse. En même temps, j’entends comme un compte à rebours. En même temps, j’entends comme un compte à rebours. Un jour, ce sera la catastrophe, l'explosion.

— Tu exagères. Elle semble plutôt satisfaite de ton travail, non ? Demande à être mutée si elle te fait tant souffrir. Ou prie pour qu’elle ait une promotion.

Chacun héberge l’archétype de son croquemitaine dans le fond de son être. Maryvonne correspondait à celui de Constance, probablement sans avoir rien fait pour mériter cela. C’était son monstre personnel, celui qui se cachait sous son lit quand elle était petite.

J’aurais pu économiser ma peine et simplement dire que Maryvonne, tout en étant irréprochable et d’un abord un peu revêche, était un brin énervante. Sans plus.

Mais Constance ne m’avait pas dit qui risquait d’éclater ni chez qui tictaquait le minuteur infernal. Chez elle ou chez Maryvonne ?

*

Une averse avait éclaté à l’heure où la plupart des employés arrivaient au travail.

— Il y a une grande flaque d’eau dans le hall d’entrée, dit Maryvonne. J’ai demandé à la réceptionniste d’appeler le service d’entretien.

— Ah, le lac de Constance, dis-je.

Constance avait été surprise par l’averse à mi-chemin du boulevard et du ministère : entre revenir à l’abribus ou courir vers l’entrée, elle avait choisi la seconde option.

— Tu la connais, dis-je, elle s’est arrêtée net devant la réception, sandales à la main, les pieds nus dans la flaque d’eau qui s’élargissait sur les dalles, aussi trempée qu’une lavette. À la blague, je lui ai dit qu’elle recréait le lac de Constance sous elle.

Devançant la question de Maryvonne, j’ajoutai :

— J’ai pris sur moi de lui dire de retourner chez elle se changer.

— Qu’elle apporte un parapluie, au cas. La pluie a cessé, mais j’ai besoin d’elle au plus tôt, dit Maryvonne.

Constance voit bien qu’elle se crée des soucis sans raison, elle essaie de toutes ses forces d’imiter les autres, de ne pas se faire une montagne d’un rien, sans y parvenir, prise dans je ne sais quels entrelacs. J’étais comme elle autrefois. La vie m’a guérie. Quelle dose de vie, ou d’expérience, faudrait-il inoculer à Constance pour l’insensibiliser au sérieux apparent des choses ?

Elle revint trois quarts d’heure plus tard, changée (ses vêtements je veux dire : c’était toujours la même Constance, pour le meilleur ou pour le pire), cheveux séchés et noués. Le ciel restait gris et menaçant. Oui, je sais, ça fait mauvaise littérature, mais le temps était à l’orage. Un front froid balayait la région.

Les contrariétés du matin l’avaient, pour une fois, revigorée. Elle était dans de bonnes dispositions, les joues colorées, les yeux brillants. Elle suspendit son paletot au portemanteau de l’entrée du service.

— Tu n’as pas apporté ton parapluie ? demanda Maryvonne, surgissant sur ces entrefaites.

Une personne sensible aux variations de pression aurait tout de suite enregistré le creux barométrique aussi soudain que marqué qui changea l’atmosphère de la pièce. Maryvonne, indifférente à la météo locale, continua de compulser et tourner les pages du document qu’elle destinait à l’attention de Constance.

Constance rougit, pâlit, ce qui dans son cas signifiait qu’elle rivalisait en blancheur avec le chemisier de Maryvonne.

Elle sortit de la poche de son paletot un parapluie télescopique. Se retournant, clic, elle appuya sur le bouton sans défaire la courroie qui maintenait le parapluie fermé ; le manche s’allongea et la pointe du parapluie se propulsa jusque sous le nez de Maryvonne.

Le tic-tac du compte à rebours ne m’était plus perceptible. L’explosion était imminente. Constance dardait ses yeux droits dans ceux de sa supérieure.

C’était agir en kamikaze, mais je pris Constance par le torse, immobilisant ses bras contre ses flancs pour l’entraîner loin, hors du service, à l’autre bout d’un couloir, passé deux ou trois virages et un nombre indéfini de portes, le plus loin possible de Maryvonne.

Les imprécations qu’elle lança en route ne seront pas reproduites ici. Le silex dont était fait Maryvonne générait des étincelles à chacun de ses contacts avec le monde. Plus simplement, Maryvonne manquait de tact ; la flammèche fatidique ne pouvait provenir que de son fait. Encore fallait-il qu'elle parvienne à une matière volatile inflammable. Constance la lui fournit.

Elle explosa, seule avec moi, dans une salle de conférence vide. Les êtres humains n’étant pas raisonnables, il n’y eut rien de bien raisonnable dans ses récriminations et malédictions. Il lui fallut une heure pour se calmer et sécher ses larmes de colère. Il était presque midi quand j’allai intercéder auprès de Maryvonne qui me demanda simplement si Constance allait bien :

— Je l’ai trouvée un peu volatile ce matin, dit-elle.

Il était impossible qu’elle n’eût pas entendu au moins les premières insultes que Constance avait lâchées. Il y a des surdités et des aveuglements volontaires.

La plupart des gens auraient conseillé à Constance de prendre une journée de congé. Au contraire, je pensai que quelques heures d’un boulot routinier valaient mieux que d’aller mijoter sa rancœur seule à son appartement. Elle rentrerait chez elle après avoir constaté que l’après-midi s’était déroulé normalement, que le train-train quotidien s’était aiguillé sur ses rails habituels.

Rien n’a changé au travail. Ni Constance ni Maryvonne ne tiennent à charger leur dossier des complications qui s’ensuivraient si l’une ou l’autre déposait une plainte.

Rien n’a changé, sauf que les rapports de Constance avec notre patronne adorée sinon respectée ont pris un tour plus serein. Ils sont gouvernés par leur mutuel sens des responsabilités et leur non moins mutuelle indifférence.


mercredi 24 novembre 2021

Invisibilité


Moyens qui s'offrent à qui veut passer inaperçu :

  • Publier un blogue ;
  • Publier un livre ;
  • Exister.


mercredi 17 novembre 2021

Souvenirs


Le balcon vrombissait du bourdonnement des guêpes. J'avais conclu avec elles un pacte de non-agression et le partage des lieux se faisait sans gestes brusques ni piqures.


Anti-Proust


Petit texte qui traînait dans mes brouillons.


Avis autorisés

« Proust a une phrase lourde, longue. Il n'a pas de vitalité, pas de rupture comme chez Céline. » (Patrice Luchini)

« Je ne suis pas du tout Proust. Je suis pour la phrase courte et sèche. Proust, c'est liquide, c'est de la pâte. » (Michel Tournier)

« Allez, je me lâche. Un jour, Aragon m'a dit : '' Proust, mon petit, mais il est chiant.'' » (Pierre Juquin, auteur de la biographie Aragon : un destin français, interviewé par Fabrice Pliskin pour le Nouvel Observateur)

« Ce qui est caduc chez Proust, ce sont ces riens chargés d'un vertige prolixe, les relents du style symboliste, l'accumulation d'effets, la saturation poétique. C'est comme si Saint-Simon avait subi l'influence des Précieuses. Plus personne ne le lirait aujourd'hui. » (Cioran, Aveux et Anathèmes, Gallimard, coll. « Arcades », 1987, p. 38-39)

« Proust n'a eu à côté de lui [Kafka] que des soucis de concierge. » (Alexandre Vialatte, Mon Kafka ou l'Innocence diabolique, 1998)

Mon avis

Quand j’étais jeune (vers 1970), à l'heure des émissions pour enfants les samedis avant-midi, on passait souvent un intermède qui nous faisait assister à la naissance de petits gâteaux aux pommes sur une musique du genre Pastorale. Cueillette des fruits à la main, transport dans des paniers, puis traitement à la machine : épluchage, découpage, rinçage, cuisson, etc. Arrivait l’étape ultime, tout aussi robotisée. Il s’agissait non pas de la cerise sur le sunday, mais d'un glaçage épais et sucré que l’on étendait sur les petits gâteaux à leur sortie du four. À la queue leu leu sur un tapis roulant, ils se présentaient sous un dispositif et, flourp !, une épaisse couche de glaçage s’étalait. Le tapis avançait d’un cran, un autre gâteau se présentait, flourch !, autre couche épaisse et sucrée, et ça continuait ainsi. Il y avait quelque chose de fascinant et d’inquiétant dans cette répétition sans faille d’instants que rien ne distinguait les uns des autres et on avait peur d’être happé pour l’éternité dans cet enchaînement diabolique.

Ces images me reviennent en tête quand je lis Proust. Le narrateur a mal au ventre ? : flourch, 40 pages où l’on ne quitte pas le sujet ; ensuite, il rencontre un écrivain ami de son père : reflouch, 40 pages sur l’écrivain, ses manies, son apparence, son être ; Albertine le fait damner ? : plouch, 40 pages de prose épaisse et opaque ; il part en train avec sa mère et entame un discours sur les employés des wagons de chemin de fer ?... Y en a marre, je veux respirer, je descends.

C’est cette prolixité automatique et sans hiatus qui m’agace chez Proust. On aimerait qu’il contrôle mieux le débit, qu'il varie, ou qu’il change de plateau pour ralentir, accélérer, qu’il nous épargne des longueurs ici et là pour mieux s’attarder ailleurs. Tournier et Luchini ont raison, il y a quelque chose de mou dans l’articulation de ses phrases qui se suivent sans heurt, sans surprise, alors que le lecteur a compris où il voulait en venir et ne peut s’empêcher de penser que c’est dépenser bien de la peine pour aboutir, très souvent, à un truisme, à une bagatelle.

Les longues phrases de Proust (même les moins longues) lassent moins par leur longueur que par leurs circonvolutions obligatoires dans lesquelles, on n’est pas bête, on a déjà saisi l’essentiel au-delà des lacis qui s’entortillent devant. (La preuve : elles ne procurent aucun plaisir à la relecture, le contenu étant assimilé, on coupe à travers les complications de la forme.)

En plus, ses personnages m'indiffèrent. Ce qu'il leur arrive ne m'intéresse pas.

Bref (mot pas très proustien), je ne suis pas proustien.

AJOUT (15 déc. 2023)

Récemment, on m’a présenté un extrait d’À la recherche qui tenait sur deux pages. Proust y exposait l’emprise qu’un Nom – la capitale est de Proust – peut exercer. Elle est d’autant plus puissante que la personne qui le porte demeure hors d’atteinte. Avec le Nom vient tout un milieu, un monde d’autant plus attirant qu’il est inaccessible. En vient-on à fréquenter le Nom que son aura s’étiole et s’éteint. Pour lui redonner son éclat initial, il nous faut prendre de la distance, s’éloigner du Nom, laisser le blason se redorer à mesure que le souvenir de la personne et de son milieu s’estompe.

Voilà qui est platement exposé (je parle de mon résumé) et Proust, évidemment, dit tout ça mieux que moi, le propos étant en effet tout à fait proustien, mais il lui faut deux pages, des phrases et des paragraphes, et encore des phrases pour y arriver (ou plutôt pour donner l’impression de ne jamais y arriver). Malgré cette débauche, Proust ne développe pas le sujet, il l’enveloppe en l’étirant et en l’enroulant sur lui-même. (Une image : si Proust avait été un escargot, il se serait enroulé dans sa propre bave.) On ne peut s’empêcher de penser que l’exposé s’allonge au-delà de la substance, sinon du nécessaire. Quand arrive le moment où l’on comprend la pensée de l’auteur – et ce moment survient bien avant la fin du texte –, cette coulée sans retenue nous semble tout à coup bien superflue et bien insipide. « Tout ça pour ça », pense-t-on. Il y a démesure des moyens par rapport à la fin.

Ne me parlez pas du style comme s’il excusait tout. La seule condition du style est d’avoir quelque chose à dire (Schopenhauer). Quand la chose à dire est simple et accessible au premier venu, comme c’était le cas dans les deux pages que j’évoquais, l’étirement de la démonstration lasse puis agace avant d’exaspérer. Ceux qui apprécient par-dessus tout l’économie (qui n’est pas nécessairement la concision, mais plutôt la juste proportion des moyens et des buts), le rythme, la cadence et la musique, seront de mon avis. Ne pas sacrifier les nerfs au profit de l’effusion. Il faut du rythme avant toute chose, pas de l’alanguissement. Chez Proust, la dérivation puis l’étalement peinent à se resserrer en méandres qui, même près de l’embouchure, multiplient les retours sur eux. Proust n’a pas de vitalité, de rupture, disait Luchini (citation au début du billet). Avec Proust, je me sens en compagnie d’un de ces individus qui vous prennent par le bras, vous emprisonnent dans les filets de leurs paroles, vous cajolent, et qui pensent vous enjôler en vous rasant.

Voilà, Proust, j’ai essayé et je n’aime pas. La cause est entendue (pour moi.) Nos tempéraments ne s’entendent pas. C’est tout et c’est assez. Je me sens obligé de redire que la médiocrité de ses personnages, narrateur inclus – trait de caractère dont la littérature tire habituellement des merveilles, voyez Flaubert ou Céline – me répugne. Dans les pages sur la mort d’Albertine, la candeur avec laquelle le narrateur nous fait part sans désemparer de chacune des manifestations intimes que lui cause cette disparition procède d’un égocentrisme stupéfiant. La moindre de ses démangeaisons morales lui importe plus que la mort d’Albertine. Les petits émois du moi...

Si je devais résumer ma pensée, je dirais que la longueur chez Proust n’est pas expressive. Elle se développe pour elle-même aux dépens de la nécessité et de l’expression. Elle ne signifie rien, n’apporte rien, n’ajoute rien. Or, pour un styliste, la place accordée à un développement, à une description est mesurée par les exigences, frugales ou gourmandes, que nécessite l’expression. Trop de subtilité à tout propos est une erreur.

Il y a de l’insistance chez lui, mais pas de musique.

Coda

Je viens de me rendre compte de ce qui ne va pas entre moi et Proust : c’est le narrateur. Il est toujours là, il ne fait jamais oublier sa présence. Il ne laisse jamais ni le décor, ni l’action, ni les personnages et ni le lecteur tranquilles. On aimerait avancer dans le texte sans subir l’ondée toujours alimentée qu’il génère. Il est exaspérant. Étrangement, je rencontre une exaspération semblable à lire Balzac. Autant Proust agace par sa subtilité, par ses cabrioles et ses grâces légères, autant Balzac décourage par sa lourdeur et ses gros sabots. On voit les traces de ses doigts gras partout dans le texte.

Une image encore. On parle de parents hélicoptères, persuadés que leur progéniture ne sauraient respirer sans leur vigilante présence. Il y a aussi des narrateurs hélicoptères qui ne laissent jamais leurs personnages seuls avec les lecteurs.


mardi 16 novembre 2021

Heureux d'exister


Titre d'un livre qui ne sera jamais écrit.

Votre appel est important pour nous...


Appeler un service public ou privé et faire le ménage au son de la douce musique pour appels en attente.

Péremption


Ma théorie est que nous ne pouvons supporter quelqu'un que pour un temps limité plus ou moins long se comptant en secondes, minutes ou années, mais qui n'est pas infini.

D'abord, c'est l'euphorie, puis l'habitude, ensuite, la satiété et, enfin, la lassitude.

Ah !, là, là, la lassitude !

Il faut donc éviter sous le coup de l'euphorie de trop voir une personne sous peine de s'en lasser trop tôt.

Il faut aussi tenir compte du risque de se lasser de soi-même. Quel meilleur moyen pour se donner des vacances de (et à) soi-même sinon qu'en fréquentant des personnes dont on est pas encore lassé ?

Au risque de hâter l'arrivée de la satiété qu'elles nous inspireront...

lundi 15 novembre 2021

Rond-point temporel


Pour rajeunir, il suffit d'aller dans l'hémisphère sud : sous l'équateur, les aiguilles de votre montre se mettrons à tourner dans l'autre sens (comme l'eau dans les lavabos ou les cabinets) et le temps s'écoulera à rebours. Quoi ? vous n'avez que de afficheurs digitaux ? Désolé, vous êtes condamné à aller de l'avant, on arrête pas le progrès.

En surface


Personne n'osera dire que le principal problème avec la déprime est qu'elle nous empêche d'alimenter d'insouciance notre petit quotidien superficiel.

De A à Z

 

Résolution du jour : ranger par ordre alphabétique ma collection de BD et de CD. 


dimanche 14 novembre 2021

L'habit fait le moine


Au moins, les anciens curés portaient un uniforme qui permettait de les reconnaître de loin et qui les empêchait d'aller partout.


vendredi 12 novembre 2021

Photogénie


Deux photos :

Une vieille où tu es jeune.

Une récente où tu es vieux.


mercredi 10 novembre 2021

Aller-retour

 

Un scaphandrier arpente le fond de la mer. Un message lui parvient dans ses écouteurs :

« Vite ! remonte, le bateau coule ! »


vendredi 29 octobre 2021

C'est bien pour dire

 

Avoir quelque chose à dire ; dire la chose en question ; se rendre compte à la fin qu'on n'avait rien à dire.


jeudi 28 octobre 2021

Ligne de grains

Une « ligne de grains » est une bande d’orages à l’avant d’un front froid. Mais ça peut être toute autre chose.

Delphie, âgée de 18 ans, assiste au lancement du recueil Ligne de grains et tombe sous le charme de Pascale, la violoniste engagée pour l’occasion ; un écart de celle-ci hors de sa partition allume la suspicion d’une spectatrice. Tout se complique et se déglingue, les couples deviennent solubles et la folie tient la barre.

D’abord illustrateur, Henri Lessard s’est converti à la littérature. Il a publié le recueil de nouvelles Grève des anges à L’Interligne en 2019.

(Version longue du texte de présentation ici.)

En librairie : 8 juin 2022

Collection « Vertiges »

ISBN 978-2-89699-744-2

Les Éditions L’Interligne, Ottawa

communication@interligne.ca

interligne.ca

dimanche 24 octobre 2021

Paradoxe

 

Bizarre comme des gens qui se sentent opprimés par la dictature que ferait peser l'Académie française sur la langue acceptent en revanche tous les dictats linguistiques provenant des milieux « progressistes ».


samedi 23 octobre 2021

Choisissez vos mots

 

Certaines personnes ont du vocabulaire ; d'autres, du wokabulaire.


jeudi 21 octobre 2021

Lubies

 

Nous sommes des êtres lubiques (attention ! lisez bien). 

Nous vivons de nos lubies.


Ménage à trois

 

Nous trompons la réalité avec la nostalgie.


mercredi 20 octobre 2021

Famille

 

Moi, avoir des enfants ? Non, je trouve ça trop incesteux.


mardi 19 octobre 2021

Chut !

 

Plus envoutant que la musique des sphères célestes, le silence de la lune.


lundi 18 octobre 2021

Curriculum vitae


Le cours de la vie en deux phrases :

D'abord, on nous dit : « Comme ça pousse vite à cet âge ! »

Ensuite, on dit de nous : « Tiens, il a pris un coup de vieux. »


samedi 16 octobre 2021

Billet d'humeur

 

« Tu es d'humeur massacrante...

- Non, je suis d'humeur massacrée. Tu as massacré mon humeur et elle te le rend bien. »


jeudi 14 octobre 2021

Rame, ramons, ramez !

 

Dès qu'on annonce le départ d'une galère idéologique, rien de plus urgent pour certains que de réserver leur banc à la chiourme et de s'engager comme rameur.

Moi, je préfère mener ma petite barque.


mardi 12 octobre 2021

Suffisait d’y penser

 

Si votre bien-pensance vous empêche de penser, débarrassez-vous-en !


dimanche 10 octobre 2021

Optimistes


Deux optimistes sur le Titanic

« Tout va bien, nous nous éloignons de l'iceberg ! 

- Tout va bien, l'iceberg flotte toujours ! »


jeudi 7 octobre 2021

On aura tout entendu


Une amie m'a dit au téléphone que, lundi, c'est le Klaxon de grâces.

Comment une fête aussi tonitruante a-t-elle pu m'échapper jusqu'ici ?


Ligne de grains


Bientôt, dans les meilleures librairies (et les autres, qu'il ne faut pas décourager) :

Ligne de grains. Roman

Auteur : Henri Lessard
Collection : « Vertiges »
ISBN : 978-2-89699-744-2
Parution : printemps 2022.


Résumé

Une ligne de grains est une bande d’orages qui se développe à l’avant d’un front froid. Mais ça peut être toute autre chose.

Delphie, 18 ans, retrouve sa tante Caroline qu’elle n’a pas vue depuis deux lustres ; elle se découvre du même coup une cousine qui n’en est pas une, Pascale, violoniste virtuose qui, à l’occasion, n’a pas de scrupule à s’écarter de la partition. Gravitent dans les parages un éditeur sourd, un poète modeste – ça existe ! –, une Haute-Dame qui veille au grain (of course), un œnologue en herbe et sa sœur, le propriétaire d’un café, un bonhomme connu sous le nom de… Bonhomme, une mère Noëlle, des motoneiges en été et, pour clore cette énumération, une émeute nocturne. Sans oublier des lignes de grains, dont une vraie, dans le sens météorologique de l’expression.

Nous sommes prévenus dès le début de l’intrigue : « C’est une histoire compliquée... » L’action se passe à Lac-des-Hauts, village (fictif) de la Haute-Gatineau.

Ligne de grains conquiert d’emblée. Le style est brillant, très drôle, nourri de réflexions intelligentes et originales sur la vie et la société. Les dialogues sont amusants, tout le monde ou presque ayant de l’esprit. Le monologue intérieur débouche parfois sur des formules profondes : « Seule, tu seras libre ; libre, je serai seule. » Le texte brosse aussi un portrait satirique du politiquement correct et des intrigues des petites communautés.


À propos de mon précédent titre, Grève des anges. Nouvelles, paru en 2019 aux Éditions L’Interligne, suivre ce lien.


lundi 4 octobre 2021

Première personne

 

« Je est un autre. »

De quoi se mêle-t-il alors ?


vendredi 24 septembre 2021

Altruisme

 

Il faut toujours dire du bien des autres ; c'est plus court et ça laisse plus de temps pour parler de soi.


dimanche 5 septembre 2021

Une saison chasse l'autre (suite)

 

Samedi ensoleillé, dimanche pluvieux ; deux fins de semaine en une.


samedi 4 septembre 2021

Une saison chasse l'autre

 

Promenade cet après-midi. Le soleil chauffe mais il est déjà étranger, comme ajouté au décor.


samedi 7 août 2021

Constat

 

Nous sommes des néants aux pieds d’argile.


mercredi 30 juin 2021

... ergo stultus sum.


Stultus sum. Non mutare aut emendare me possum. Stultus nascebar, stultus crescebam, stultus vixi, vivo et vivam, stultus deinde moriar. 

Meum fatum hoc est.


Ajout (5 sept. 2021). - Je crois qu'il aurait fallu utiliser l'ablatif dans la seconde phrase :

... Stulto nascebar, stulto crescebam, stulto vixi, vivo et vivam, stulto deinde moriar. ...

Vere, stultus sum.


lundi 28 juin 2021

Erreur sur ma personne

 

Bizarre, les autres pensent de moi exactement ce que je pense d'eux.

Bien sûr, ils se trompent à mon sujet.


dimanche 20 juin 2021

Argument ontologique à contrario


L'envers de l'argument ontologique serait de dire qu'une entité qui aurait tous les défauts ne devrait pas exister, l'inexistence étant un défaut. Hélas, tout le monde conviendra que la réalité prouve qu'il en va autrement.


mardi 15 juin 2021

Rétrospectives anticipées

 

Déjà, je sens que l'après-midi va me reprocher l'usage que j'ai fait de l'avant-midi et que la soirée, etc...


lundi 31 mai 2021

Grégaires en trop


Dans un groupe, il y a toujours des gens en trop, habituellement ceux qui s’attardent le plus. Corolaire à cette loi : un groupe finit toujours par n’être constitué que de gens en trop.


lundi 24 mai 2021

Réseaux sociaux (suite)

 

Quand tout le monde en parle, on peut s'abstenir d'en toucher mot.


Réseaux sociaux

 

Ajouter sa voix à la cacophonie ambiante ne la rend plus harmonieuse pour autant.


dimanche 23 mai 2021

Complet


Mon ignorance est grande mais je ne suis pas conscient de mes lacunes ; mon savoir est complet, puisque je ne suis pas plus conscient qu'il est limité.

 Suis-je très ignorant ou très savant ?


samedi 22 mai 2021

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Henri Lessard est, sauf indication contraire, l'auteur des textes et images contenus dans le blogue Balour 10 ; © CopyrightDepot.com no 00072068

mercredi 12 mai 2021

Selfies nostagiques et archivistiques


1. - Photo Adrien Hubert, 1973. Titre : « Festival des raftsman [sic] de Hull, 1973 : Un jeune sportif allume le flambeau des Jeux du Québec en Outaouais. »
Lien BAnQ.


J'y étais ! Je suis le jeunot en retrait à l'arrière parmi les badauds, à gauche. Cheveux longs, lunettes (vaguement visibles) et bras croisés, je me suis reconnu tout de suite. J'étais dans l'ombre des sommités qui subissaient le feu des projecteurs sur l'estrade. 

Ne pas me confondre avec l'autre personnage aux bras croisés, à droite, celui en chemise à carreaux et ceinture fléchée et qui porte aussi des lunettes. Il personnifie Jos Montferrand

Je n'avais pas et je n'ai toujours pas la carrure d'un raftsman...

(Je ne suis pas non plus le porteur de flambeau, est-ce utile de le préciser ?)

À l'arrière-plan, le manège militaire, boul. Saint-Joseph.



On trouve de tout à Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

On peut même se retrouver en cherchant tout autre chose.

Témoin le feu de la Saint-Jean* de l'an 1973 à Hull. Le bûcher avait été allumé sur la pelouse du manège militaire, angle des boulevards St-Joseph et Alexandre-Taché, dans le cadre du Festival des Raftsmen. On voit d'ailleurs les tours du manège (photo no 1).

J'y étais. J'en conserve un très vague souvenir. J'ai complètement oublié la cérémonie protocolaire qui a précédé la « mise à feu » du bûcher, solennité durant laquelle « un jeune sportif [a] allum[é] le flambeau des Jeux du Québec en Outaouais ». Pourtant, j'étais présent : on m'aperçoit dans la foule, derrière l'estrade (photo no 1). Faut dire que moi, les cérémonies protocolaires...

Je cherche moins à passer inaperçu sur la photo no 2. C'est moi, le jeunot aux lunettes plus grandes que le visage et à la chemise vaguement paisley, à droite, les bras toujours croisés (je boudais ?).

*Note. - Je n'ai pas trouvé la date exacte des clichés, BAnQ ne donnant que l'année, 1973. Les Jeux du Québec s'étant tenu en Outaouais en 1972, je suppose que la cérémonie dont nous avons ces images est celle de la transmission de la flamme à Rouyn-Noranda, ville hôte des Jeux de 1973. Rien n'empêche que la cérémonie se soit tenue durant la Saint-Jean, rien ne l'oblige non plus.

Souvenirs... La seule autre personne que j'ai pu identifier sur cette série de photos (il y en a d'autres, suivez les liens) est Jean-Marie Séguin, maire de Hull à l'époque (photo no 3).

Ajout, 12 mai 2021. - Un lecteur a identifié Fernand Nadon, conseiller municipal du quartier Wright (à Hull) de 1972 à 1991. Il est la deuxième personne à partir de la gauche sur la photo no 3. (Il me semble bien qu'il est aussi sur la photo no 1.) 



2. - Photo Adrien Hubert, 1973. Tiens, je suis à droite maintenant, les bras toujours croisés.
Voir détail de la photo dans « Ajout » du 6 mai 2021 à la fin du billet.






3. - Photo Adrien Hubert, 1973. La seule personne que je peux identifier sur l'estrade est Jean-Marie Séguin, maire de Hull en 1972 et plus tard président de la Communauté régionale de l'Outaouais (CRO), puis de la Société d'aménagement de l'Outaouais (SAO). Jos Montferrand lui fait enfiler une veste à carreaux. Connaissant les accointances politiques de M. Séguin, je pourrais dire qu'il passe une canadienne... 


Ajout (6 mai 2021). - Détail de la photo no 2 : étant donné la résolution du document, je ne peux faire mieux. 

jeudi 29 avril 2021

AUTARCIE ARTISTIQUE

autarcie artistique

Par Henri Lessard

Texte paru dans la revue Liaison, no 178, 2018. Cette version a été la dernière avant la révision finale par la rédaction de la revue. Elle peut différer de la version imprimée.

Ce texte a été inspiré par mon billet du 16 sept. 2016, Concatenatio interrupta à Ottawa.


Certains de mes amis sont peintres figuratifs. Il leur arrive de devoir composer avec l’attitude condescendante d’artistes davantage conceptuels ou plus postmodernes. Peindre la réalité, surtout peindre des paysages, ça ne se fait plus. C’est mal vu, dépassé ; kétaine, pour tout dire. Une exposition, il y a quelques années, s’annonçait ainsi (je traduis librement) : « Vous n’êtes pas fatigués du Groupe des Sept ? »

Je proteste. Cette façon de voir est bornée et dangereuse. Elle ignore que notre sensibilité visuelle a été forgée par la volonté, affirmée pendant des siècles, de reproduire la réalité dans tous ses aspects. Cherchez dans les textes de l’Antiquité une description de paysage, une évocation de la lumière, changeante selon les conditions atmosphériques ou le moment de la journée. Vous n’en trouverez pas. Notre attitude devant la nature nous vient d’une tradition picturale vieille de plusieurs siècles. Elle se poursuit, depuis les Primitifs flamands et leurs glacis lumineux jusqu’à Léonard de Vinci et son sfumato, depuis les impressionnistes et leurs virgules de couleurs pures jusqu’aux fauvistes et leurs aplats violents… La liste n’est pas close.

On ne voit bien que ce que l’on connaît ou reconnaît. Le plaisir que je retire à me trouver à tel endroit, à telle heure et en telle saison tient en partie à la fréquentation des œuvres picturales qui m’a habitué à porter attention aux variations de la lumière, aux jeux de couleurs, aux effets de transparence ou d’estompage dans le spectacle qui m’entoure.

Il existe un jeu d’aller-retour, pas toujours conscient, entre le monde pictural et le monde réel. L’un révèle l’autre. Une amie aquarelliste me disait que son compagnon lui avait un jour demandé pourquoi elle donnait une teinte bleue aux collines à l’horizon ; il n’avait jamais remarqué le bleuissement des choses dans le lointain. Que voient de la réalité les gens de cette espèce qui ne voient pas ? En tout cas, une aquarelle lui avait ouvert les yeux.

Chez certaines personnes, on pourrait parler d’un façonnement intérieur total par les arts. La métamorphose ne se limite pas à celle exercée par la peinture figurative et les paysages. À force de fréquenter les musées, les galeries et les salles d’expositions, de déambuler dans ou sous des installations, à force de frôler des échafaudages de ficelles et de fonte rouillée, de traverser des labyrinthes en plâtre décati ou des Stonehenge de bois verni, j’en suis venu à développer, par intégration des processus de création, une parfaite autonomie artistique.

(Je précise qu’il n’y a pas d’intention ironique dans cette dernière phrase. Ou que l’ironie a été parcimonieusement mesurée et distribuée.) Ajout avril 2021. - Maintenant je peux le dire : l’intention ironique était totale.

Ainsi, l'autre jour, traversant une intersection en diagonale, je tombe sur une sculpture nouvelle, rue Sparks, à Ottawa. Des tores tronqués, ou des demi-collets en pierre grise, au galbe parfait, se succédaient le long de la chaussée dans une procession qui tenait de la migration de masse ou de la reptation décomposée en ses mouvements élémentaires. Le tout était éminemment séduisant et envoûtant. Mon premier réflexe a été de chercher le panneau explicatif afin de me mettre au fait de la signification profonde de l’œuvre. Hélas !, il s'agissait de simples collets de granit destinés à protéger la base de poteaux, en granit aussi, que les ouvriers avaient déposés sur la place publique le temps de travaux de réfection. Ajout avril 2021. La photo de ces collets est disponible dans mon billet du 16 sept. 2016, Concatenatio interrupta à Ottawa.


N'empêche que, ce moment a été pour moi une sorte d'épiphanie.

Je n'ai plus besoin d'œuvres d'art pour me communiquer des impressions artistiques. Je me les crée moi-même à partir de la réalité. J'ai été trop bon élève, je me suis hissé au niveau de mes maîtres. Je peux à présent me débrouiller seul. Inutile désormais de fréquenter les musées ou les galeries. Cette procession de demi-conques, œuvre éphémère s’il en est, je l'ai baptisée Concaténation urbaine. La surface rugueuse d'un poteau d'où émergent têtes de clous et agrafes rouillées devient saint Sébastien transpercé. Un mur de brique qui a vu les années et les crépis passer devient Leprosus non est et ainsi de suite, sans fin. Je n’ai que l’embarras de trouver les titres.

Ça ne me coûte rien, ça embellit mon existence, ça se renouvelle sans effort chaque jour et, surtout, ce n’est pas contagieux, rassurez-vous.

Puisque nous en sommes aux selfies généralisés, que les moyens de production inouïs sont à la portée de tous (texte, photos, vidéo, montage, etc.), pourquoi ne pas aller jusqu’à la conclusion que la logique commande ?

La postmodernité « se caractérise par le fait que l’on ne puisse plus s’attacher à des caractères extérieurs pour dire ce qu’est l’art [1]». Poussons le bouchon un cran plus loin et réclamons l’abolition des caractères extérieurs ou non qui permettent de décider qui est un artiste et qui ne l’est pas. Du même élan, j’affirme que mon musée imaginaire – et le vôtre du même coup – vaut bien tous les musées et toutes les galeries du monde.

Une évolution artistique de plusieurs siècles en est arrivée au point où je peux, en paraphrasant Louis XIV[2], affirmer modestement : « L’Art, c’est moi ! »


[1] Maxence Alcalde, « L’art postmoderne comme idéologie réactionnaire : Un symptôme du rejet intellectuel de l’art contemporain », Marges, revue d’art contemporain, no 3, 2004, p. 97-107.

URL : http://marges.revues.org/779.

[2] Merci au réviseur de m’avoir signalé que le médecin et physiologiste Claude Bernard avait déjà imaginé au XIXe siècle une formule semblable, mais dans un tout autre esprit, il est vrai.

mercredi 28 avril 2021

« VICTIMES DE PARASITES »

 « VICTIMES DE PARASITES »

Par Henri Lessard

Texte paru dans la revue Liaison, no 177, 2017, p. 18-19. 


Prendrez-vous le temps de lire cet article ?

Peut-être pas. Tout va trop vite. Surtout, tout nous éparpille. L’informatique et le tourbillon centripète qu’il génère nous empoignent et réduisent notre « temps de cerveau disponible (1) » à des saccades de tout au plus quelques secondes. Dès que l’une est consumée, le vide survient et, comme le vide effraie, vite, nous répondons à une nouvelle sollicitation. Certains, pour noircir encore le tableau, ajoutent que, penchés sur nos écrans, nous serions devenus les esclaves de nos créations. Si l’homme, comme disait l’autre, était à l’origine un roseau pensant, il serait devenu (la femme aussi) un roseau penché.

Je reprends simplement une rengaine qu’on nous serine tous les jours. Pour être répétée ad nauseam, elle n’en est pas moins fausse. Longtemps, j’ai cru qu’elle était tout à fait vraie. J’imaginais surtout qu’elle était récente, tout comme le mal qu’elle décrit. Or, cet hiver, je suis tombé sur ces lignes des Carnets d’André Major (2) :

« [Le romancier Patrick Modiano déplorait déjà que] sa génération [...] souffre d’une sorte d’infirmité découlant d’un faible pouvoir de concentration, sans laquelle il est impossible de faire une ‘’œuvre globale, une sorte de cathédrale’’, comme l’ont fait Proust ou Durrell. Nous, comme il le suggère, c’est au ‘’fragmentaire’’ que nous sommes voués, victimes de parasites de toutes sortes et d’une accélération du rythme de la vie [...] » (p. 226)

Modiano, je le précise, est né en 1945. Cet auteur a grandi et a commencé à écrire dans le monde d’avant, antérieur à l’informatique et au téléphone portable. Il s’agit donc d’un auteur formé à l’ancienne, qui disposait d’un cerveau plein et entier (tandis que le nôtre est constamment atomisé, réduit à l’état de confettis aspirés par les quatre vents). Pour moi, Modiano fait partie des aînés donneurs de leçons : « Ah ! c’était bien mieux au temps de ma jeunesse... »

Que Modiano se soit posé en victime de sollicitations qui parasitaient son pouvoir de concentration me fait sourire. Moi qui croyais sincèrement que « c’était mieux avant » !

Peut-être pas, finalement.

Le mal dont nous souffrons ne daterait donc pas d’hier. Je commence presque à douter de l’originalité des récriminations de mes contemporains. Lorsque je sacre après mon ordinateur (qui exécute mes commandes au lieu d’obéir à mes intentions), je repense à un texte de Valery Larbaud publié en 1946, mais rédigé avant la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci se désolait des misères qu’entraînait la manipulation d’une machine à écrire :

« Mais elle-même [la dactylographe] peut s’en prendre, non moins justement, à sa machine, dont le maniement la distrait du sens de ce qu’elle copie, et qui est capricieuse, inconfortable, énervante, comme la plupart des instruments inventés pour épargner du temps et qui ont en eux un Démon de la Vitesse qui bâcle et gâche à plaisir le travail qu’on leur confie (3). » (p. 322)

Capricieux, inconfortable, énervant : ça décrit tout à fait mon ordinateur. Le « Démon de la Vitesse » (notez les capitales) empoisonnait déjà l’existence de nos grands-parents et arrière-grands-parents. Mais avouez que vous avez du mal à envisager la cliquetante et hoquetante machine à écrire comme un engin infernal…

Je découvre tout à coup que je radote de vieux couplets qui remontent à plusieurs générations. Or, chacun a ses coquetteries. Il ne me suffit pas de geindre, encore faut-il que mes récriminations soient originales. Mon estime personnelle se remettra-t-elle de cette découverte : je ne suis qu’un rabâcheur ?

Une autre protestation contre l’état du monde vous semblera tout à fait actuelle à l’heure où la vie privée n’a plus le même sens qu’il n’y a pas longtemps. Cette pièce d’anthologie date de… 1910 !

« On n’est plus chez soi maintenant. On le sera de moins en moins. Rayons X qui vous pénètrent. Kodaks qui vous photographient au passage. Phonographes qui pressent vos paroles. Aéroplanes qui vous menaceront d’en haut (4). » (p. 196, entrée du 22 nov. 1910)

Le pauvre auteur de ces lignes serait très malheureux s’il ressuscitait aujourd’hui. Comme motif de consolation, il aurait la satisfaction de pouvoir reprendre presque mot pour mot son réquisitoire. Il lui suffirait de l’amplifier pour l’adapter à l’informatique, ubiquiste et indiscrète au possible. L’inquiétude à la base de son mouvement d’humeur n’est pas nouvelle et elle a précédé l’avènement d’Internet. Nous sommes seulement surpris de la découvrir si ancienne. Notre homme n’avait pas tort de dire que chez soi sera de moins en moins chez soi ; nous sommes bêtes et naïfs de penser être les premiers à le déplorer.

Rien de nouveau sous le soleil, comme disait déjà quelqu’un ? La crainte que les temps aient vraiment changé et que nos plaintes, loin d’arriver à péremption, soient devenues plus pertinentes que jamais, est à considérer.


1. Allusion à la déclaration de Patrick Le Lay, président-directeur général du groupe TF1, remontant à 2004 : « Ce que nous [la télévision] vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_de_cerveau_humain_disponible, consulté le 18 juillet 2017.
2. André Major, L’œil du hibou. Carnets 2001-2003, Montréal, Boréal, 2017, 234 p. (Coll. Papiers collés.)
3. Valery Larbaud, Sous l’invocation de saint Jérôme, Paris, Gallimard, 1946 (1944), 9e éd., 344 p. (Cet ouvrage sur la traduction littéraire n’a rien de religieux, le titre faisant référence au patron des traducteurs.)
4. Journal de l’abbé Mugnier (1879-1939), Paris, Mercure de France, 648 p. (Coll. Le Temps retrouvé.)

jeudi 22 avril 2021

Ciel d'avril


Printemps frisquet.

Se tenir à l'ombre pour encourager le soleil.


mercredi 21 avril 2021

Perle(s)

 Nouvelle extraite de mon recueil Une année julienne suivi de Perséphone


ISBN 978-2-9821444-0-8 (PDF)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2023


Mon recueil Une année julienne suivi de Perséphone est paru en mai dernier en version numérique (pdf). Il est disponible auprès de l’auteur (moi) sur demande et de BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales du Québec) au bout de ce lien. Relisez les autres billets consacrés au recueil pour en savoir plus et ou pour savourer d'autres extraits (lien).







Le recueil déposé à CopyrightDepot.com et à la SARTEC :
© Henri Lessard, CopyrightDepot.com no 00072068
© Copyright Henri Lessard, manuscrit déposé à la SARTEC le 21 mai 2021, certificat no 34490.

* * *

Jeune femme à la perle ou gaspillage



Il y a longtemps que je pensais faire quelque chose à partir de la chanson la Religieuse, de Georges Brassens (lien Youtube). Voilà qui est fait ! Mon texte est cependant plus pervers que celui de Brassens. Les passages en italiques sont empruntés aux paroles de sa chanson.


Après la douche, la pénitence de la vêture, l’épreuve de la pelure qu’il faut endosser si l’on veut aller dans le monde. Pour quelques instants encore, je peux déambuler nue dans mon logement, cheveux tout frais épongés – en tournant sur moi-même, j’asperge de gouttelettes le grand miroir de ma chambre.

D’ultimes perles d’eau s’écoulent des mèches plaquées sur mes délicates clavicules : leur réseau contourne mes seins, les plus téméraires risquant le plongeon dans le vide depuis le bout des mamelons. Je pivote et tourne la tête pour apprécier mes fesses dans la psyché. Beau miroir, qu’as-tu à m’apprendre sur cette partie de moi-même qui me tourne perpétuellement le dos ?

La cambrure des reins, ça, c’est une trouvaille !

(Il a fallu que je souffle son avis à la glace.)

Je me retourne.

Bravo, Seigneur, c’est du joli travail ! J’en rougis. Pourtant, il n’y a personne pour me voir, mais penser qu’il n’y a personne, c’est déjà s’imaginer qu’il pourrait y avoir quelqu’un. Mes tétins jaillissent et j’en rougis encore plus. Pudique que je suis !

J’ai remis au cou la petite perle suspendue à une chaînette en or. Cadeau de…, de qui déjà ? Si quelqu’un me prenait en photo (mais il n’y a personne), il pourrait titrer Nu avec accessoire ou Jeune fille à la perle.

Je m’attarde avec moi-même (en chair et en os) et avec mon reflet (pure lumière). Le bout de mes doigts se promène ici et là ; mes paumes trouvent chaque creux, chaque surface, chaque rondeur taillée à leur mesure. Des pulsations délicieuses sourdent de mon clitoris. Ce petit organe clandestin fait des efforts insensés pour se manifester, tant il a peur qu’on l’oublie.

« Aaaah. »

Non ! ce n’est pas le moment. Mon autobus ne patientera pas sous prétexte que, tête renversée, yeux révulsés, bouche entrouverte, chair toute en spasmes, derme tout en frissons et que, perlant de l’intérieur d’une autre moiteur que celle de la douche – j’anticipe un peu sur la suite des événements –, je pose dans la glace en sainte Thérèse dépouillée de ses draps.

Reprenons notre souffle. N’empêche, bravo, Seigneur, c’est du joli travail !

Maquillage léger, rouge à lèvres discret – entre-temps, mon teint a retrouvé sa carnation normale. Je tête-à-tête avec moi-même ; je laisse à peu de gens le privilège de plonger leurs yeux dans le bleu limpide de mes mirettes comme je le fais en ce moment. Ah, quand les regards se croisent, se prolongent ; les hormones percolent du sexe au cerveau, des neurones prennent feu, les bouches se touchent…

Coups de brosse. Je soulève ma chevelure. On annonce une vague de chaleur, un chignon me débarrassera de leur masse. La courbe de la nuque, jolie trouvaille aussi… Le corps féminin est tout en courbes qui s’arrondissent, s’élancent ou se cambrent.

Il faut pourtant se résoudre à l’habiller, ce mien corps féminin qui use et abuse de sa propriétaire. Un peu de sérieux, lui dis-je !

Parfum. Je n’aurai ici que le loisir d’apprécier la note de tête, le temps file, tant pis pour la note de cœur. Jupe noire à fleurs blanches achetée dans une friperie. Celle qui l’a portée avant moi se mire peut-être nue dans sa glace en ce moment. Ou bien des mains qui ne sont pas les siennes courent sur son corps, des lèvres qui…

Du sérieux, ma fille ! Du sérieux ! Personne ne baise un lundi matin à huit heures moins quart. Surtout quand il faut prendre l’autobus de moins cinq.

La beauté est un gaspillage. Toujours présente, et pourquoi ? Pour rien la plupart du temps. Si la nature était conséquente, les femmes ne connaîtraient que les caresses continuelles réclamées par leur beauté perpétuelle. (Je ne cesse pas d’être belle même en dormant, même dans le noir, non ? Gaspillage ! Gaspillage, vous dis-je !) Mais bon, le soleil dispense lui aussi son rayonnement en pure perte dans l’espace.

Pas de soutien-gorge aujourd’hui. La perle jouera au ping-pong sur mon gilet entre mes seins. Son éclat nacré sera le miroir de mon immense candeur.

Sandales, sacoche, verres fumés – pour zieuter à gauche et à droite, ni vue ni connue.

Dernières retouches inquiètes dans la glace du vestibule.

Une fois descendue de l’ascenseur, je me répète : « Je suis une jeune femme sérieuse, je suis… » tandis que le soleil, comme toujours, disperse son énergie en pure perte dans l’espace.

La nature n’est que gaspillage.

La perle, ça me revient, c’était un cadeau de moi à moi, évidemment.

Coda

Ne jetez pas les perles aux pourceaux.
Je dis ça comme ça..