PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

samedi 28 janvier 2017

Pertinent




J'ai cherché partout dans la neige l'icône pour liker ou partager, mais je ne l'ai pas trouvée.

(Je sais, il y a deux fautes pour un seul mot, mais le message se reçoit bien malgré tout. Et il était très tôt le matin, on peut pardonner à l'anonyme auteur.)

Photo : Ottawa, 27 janv. 2017.

jeudi 19 janvier 2017

Relire (Ajout)


Je préfère relire que lire, et même re-relire, et, pourquoi pas, re-rerelire. Les éditeurs, les libraires et les auteurs me feront de gros yeux, mais un texte déjà lu a mille qualités avérées qu'une primeur n'a pas ou ne possède qu'en puissance.

Avant de décrier ma pratique, pensez quelle serait votre infortune si vous étiez condamné à l'inédit perpétuel. Ne jamais revoir un paysage, ne jamais goûter deux fois un plat, ne jamais aimer deux fois la même personne… J'avais déjà pensé à une nouvelle autour de ce thème avant d'abandonner le projet (je laisse l'idée à qui la voudra). Une forte dose de répétition est nécessaire, même dans les plaisirs.

Nous lisons trop vite, et distraitement. Les quatre cinquièmes d'un texte nous échappent, tant la lecture, au fond, est une activité exigeante. Tenu en haleine par le suspense (ah ! le fameux suspense…, j'y reviendrai), tiraillé par les complications de l'intrigue, accaparé par la nécessité de retenir les noms, le lecteur fait ce qu’il peut. Sa tuyauterie mentale est forcée d'éliminer au fur et à mesure de gros morceaux qui risqueraient de faire grumeau et d'obstruer ses conduits, «le cerveau ayant pour fonction, comme disait l'autre, d'éliminer les détails gênants» (1).

Au mieux, une première lecture permet un repérage qui prépare les lectures subséquentes. Ce n'est qu'une prise de contact.

La deuxième lecture (immédiatement après la première, six mois ou sept ans plus tard) est l'occasion de plaisirs nouveaux mitigés par de fréquentes dégringolades dans mon estime personnelle. «Comment, j'ai été assez inattentif-aveugle-stupide (rayez les mentions inutiles) pour ne pas voir ça !» Ben, oui, j'ai été assez (épithète choisie) pour ne pas voir «ça». Le «ça» en question étant un indice, un bon mot, une allusion, une image ou une figure de style, etc. La vraie lecture est commencée ! Délivré de la nécessité de tracer mon chemin dans un texte inconnu et de la contrainte de suivre un itinéraire rectiligne à sens unique, je peux m'attarder à tel paragraphe, telle phrase, sauter des pages, revenir en arrière, relier deux passages éloignés qui n'attendaient que ça, précisément, que quelqu'un soit assez attentif-brillant-perspicace (rayez les mentions inutiles, merci de n'en rayer que deux) pour les mettre en regard.

Bref, contrairement à ce que l'on pourrait penser, relire, c'est la (re)découverte permanente, l'ébaudissement perpétuel, l'expansion à l'infini de l'aire de jeux. Le one way étroit de l’intrigue est devenu un champ littéraire dont on n'atteint jamais l'horizon et dont on n'épuise jamais les richesses. Et il y en a pour se priver de tels plaisirs ! L'ignorance, l'inconscience ou la paresse peuvent seules expliquer une telle répugnance à rouvrir un livre.

Il y a plus. Le temps est un éditeur très efficace qui améliore sans cesse les bons textes. (Il est plus dur, même cruel, avec les autres.) Une relecture n'est pas seulement une lecture en plus, mais une superposition de la nouvelle sur l'ancienne. On obtient ainsi une sorte de palimpseste où se confondent deux versions de la même œuvre. Dans l'intervalle des lectures, en effet, le climat de l'œuvre s'est subtilement transformé. C’est bien le même texte, mais, curieusement, on ne le jurerait pas toujours. Avec les mêmes mots, il ne dit plus tout à fait la même chose. Il arrive qu'un voile de commisération vienne brouiller le portrait de votre ancien moi. «Ah, comme j'ai pris de la maturité depuis la précédente lecture, comme je comprends mieux les choses…» (S’ensuit une agréable remontée dans votre estime de lecteur.)

Relire, c'est aussi abolir le temps puisqu'on en arrive à confondre en un seul moment les lectures successives, surtout si elles se sont étalées sur plusieurs années. Proust avait sa madeleine, moi, mes livres.

«Et le suspense», me direz-vous ?

Est-ce si grave de se priver de cet ingrédient réputé indispensable au plaisir de la lecture ?

D'abord, les textes qui ne tiennent que par le suspense ne m'intéressent pas. Je les exclue donc de mon univers et des rayons de ma bibliothèque. Disons-le, un texte qui perd tout intérêt une fois lu ne mérite tout simplement pas d’être lu. Et quand le suspense est trop fort, bien, je cours tout de suite aux dernières pages du livre pour connaître la fin ! Délesté de mon LII (Lecteur Impatient Intérieur) dont je devais supporter les trépignements, je peux désormais progresser ou digresser à ma guise sans avoir à subir les coups de fouet qui accompagnent ses exhortations frénétiques : «Plus vite, avance plus vite ! Je veux savoir comment ça fini !»

Que penseriez-vous de quelqu'un qui dirait : «Toi et moi, nous allons nous livrer à une activité très amusante et nous y mettrons fin le plus tôt possible. Surtout, nous ne répéterons jamais la séance.»

On ne réfléchira jamais assez à la disproportion entre le temps que réclame la rédaction et l'édition d'un livre, d'une part, et sa lecture précipitée, d'autre part. Les lecteurs s'apparentent parfois à un troupeau de goinfres assez déplaisants. D'où des expression détestables comme «consommer un livre»... Tant qu’à, pourquoi pas les consumer carrément, brûler les pages au fur et à mesure qu’on les tourne ?

Il est peut-être imprudent de faire l’apologie de la relecture dans une revue vouée à l’actualité et aux nouveautés. Que les éditeurs, les libraires et les auteurs ne me fassent pas de gros yeux : relire, c’est bien, mais je dois quand même de temps à autre lire du neuf pour renouveler mes relectures. 

(1) Denis Grozdanovitch, La puissance discrète du hasard, Denoël, coll. Folio, no 5771, 2013, p. 161. 

AJOUT (11 février 2017)

Un petit article qui tombe à point et dont je viens tout juste de prendre connaissance. L'équipe de Nicholas Christenfield, professeur de psychologie à l'Université de Californie, a fait lire des histoires à 800 volontaires. Or, conclusion à première vue tout à fait contre-intuitive de l'étude, mais tout à fait logique à mon sens, ceux des lecteurs à qui l'on avait dévoilé la fin des histoires ont mieux savouré leur lecture que ceux à qui l'on avait rien révélé. 

«Connaître la chute [d'une histoire] permet de profiter pleinement de la valeur d'une œuvre, plutôt que de la survoler en essayant sans cesse d'imaginer le dénouement.» Nicholas Christenfield, interrogé par Alexandre Pihen, Science et Vie, no 1192, janv. 2017, p. 109.

C'est exactement ce que je disais. Il est agréable de voir ses intuitions scientifiquement prouvées.

lundi 16 janvier 2017

16 janvier 2017, 16 h 54




16 janvier 2017, 16 h 54.

dimanche 15 janvier 2017

Sieste diurne


Toutes les siestes se ressemblent. Le même moment blanc avant l’assoupissement. Je dis blanc parce que je choisis de préférence l’après-midi pour piquer un somme et il entre à ce moment dans ma chambre la lumière froide de l’ombre, la pièce étant du côté est de la maison. Lumière sans soleil ni origine. Simplement, elle se répand à partir de la fenêtre. La même sieste répétée ou plutôt éparpillée en de multiples fragments. Au-delà de la succession des jours, il y a peut-être une continuité qui relit ces moments en une réalité unique.

(Morceau de quelque chose de plus long, dans le genre prose et fiction. Le texte complet, un jour ?...)