PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

mardi 21 février 2023

Bogues et « boinng »


Mon immeuble à logements dispose de deux escaliers, un à chacune de ses extrémités. J’habite au 8e étage (il y en a 15, moins le 13e, qui n’existe pas). Il y a bien sûr des ascenseurs, mais je m’oblige à prendre les escaliers pour faire un peu d’exercice.

Une rampe court le long des escaliers. Je n’y touche pas. Je ne ressens nul besoin de soutien quand je descends et je préfère monter sans ajouter à mon effort celui de me tirer par un bras. En prime, j’évite ainsi de m’exposer à de multiples possibilités de contaminations. Dieu sait quelles mains souillées ont pu se poser sur la rampe juste avant mon passage.

Quand il m’arrive de m’imaginer en train de descendre ou de monter (parce que je dois sortir ou rentrer chez moi et que je me projette mentalement dans un espace que je devrai parcourir), c’est toujours une version de moi la main sur la rampe qui me vient à l’esprit. Pourquoi ? Mon double mental a peut-être besoin d’un soutien que mon moi physique dédaigne utiliser.

Qu’importe. La chose qui me chipote est que dans mon cinéma intérieur et ses prolongements physiques (il est capable de recréer les sensations corporelles que les images commandent), c’est toujours la bonne vieille rampe en fer forgé de l’immeuble à trois étages de mon enfance et de mon adolescence que je sens sous la main. Une mince rampe en fer forgé noir, aux barreaux torsadés, tout à fait banale. Elle rendait un vibrant boinng quand elle était heurtée. La rampe de mon immeuble actuel est constituée de pièces toutes droites, barreaux et rampe, et l’ensemble est peint en gris de RDA (à ne pas confondre avec le bleu de Prusse). Soyons juste : elle peut elle aussi rendre un intéressant boinng.

Donc, dans mon imagination, quand je me représente tel que je suis aujourd’hui dans le monde réel que j’habite, je tiens une rampe que je n’ai pas l’habitude de tenir et, en plus, ce n’est pas la bonne.

Mystère des bogues mentaux.