PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

jeudi 22 septembre 2016

Fils de...


Descendance

Les Français disent «Fils de pute».

Les Américains, «Son of a bitch».

Les Québécois, ... ?

Apparemment, les Québécois ont si peu à cœur la réputation de leur mère qu'il n'existe aucune expression pour l'attaquer.

samedi 17 septembre 2016

Dit-elle


Dit-elle, ou les approximations de ma voisine.

Je ne me couche jamais sans vérifier l'heure à mon radio-réveil ; je ne peux ignorer à quelle minute, le matin, il me tire de mon sommeil.

En pleine nuit, du creux de mon lit, à moins de tendre le bras et de tâtonner à la recherche de mes lunettes, il m'est impossible de déchiffrer l'afficheur du radio-réveil : aussi, l'histoire de mes insomnies est entachée d'imprécisions d'ordre chronologique dont ne souffre pas celle de mes veilles.

vendredi 16 septembre 2016

Concatenatio interrupta à Ottawa




L'autre jour, à Ottawa, coupant une intersection en diagonale, j'arrive à la rue Sparks. Là, une rangée de formes convexes alignées à même le sol attire mon attention. Je me dis, tiens, une nouvelle sculpture sur la rue Sparks. Un bref regard circulaire, à la recherche du panneau explicatif, puis je me rends compte de ma méprise. Il  n'y a pas de panneau, sauf celui que je me suis créé pour y tomber aussitôt. Il s'agissait de coquilles de protection destinés à ceinturer la base de poteaux de granit courant le long de la voie publique.

Le plus étrange dans cette histoire, c'est que l'explication la plus improbable me soit apparue la plus évidente au point d'occulter la plus simple, la plus raisonnable, la plus flagrante ; point d'œuvre d'art livrée à l'admiration des badauds, mais banals travaux d’entretien menés par la Ville. Faut avoir les circonvolutions cérébrales aux aguets de je ne sais quoi pour sauter ainsi à pareilles conclusions.

J'en appelle pourtant à votre indulgence. Il planait déjà au dessus et autour des coquilles l'espèce de solitude a) respectueuse b) indifférente (rayer la mention inutile) qui protège l'œuvre d'art publique du contact avec le public. Faut dire que la Voirie était partie diner, laissant le chantier désert. Ensuite, il faut avouer que ces demi-coques, cette procession de macaronis, ces collets tronqués posés à la queue-leu-leu sur le sol dans une disposition qui semblait à la fois tenir du hasard et d'une intention réfléchie, avait la parfaire allure d'une œuvre d'art vachement songée.




Vraiment, les circonstances atténuantes abondent pour excuser ma méprise.

Ne manquait à ces séduisantes coquilles, pour accéder au statut d’œuvre d'art, que le contexte ; un éclairage muséal, le silence d'une salle d'exposition et, surtout, l'étiquette, la notice explicative. Si l'habit ne fait pas le moine, l'étiquette, elle, fait l'œuvre d'art.

Je répare cette omission et je vous compose derechef la notice qui convient :

Concaténation concoïdale ou Concatenatio interrupta
Cheminement concoïdoïde urbain par conques ombilicales, allant par paires, symbole de la motivation autoréferentielle de toute relation/communication, et aussi métaphore de l'aliénation de l'homo urbanus, maillon isolé de la concaténation commune.

samedi 3 septembre 2016

Musak partout !




Des écrans électroniques géants accolés dos à dos sont apparus rue Rideau, à Ottawa, l'automne dernier. Ces Janus d'un nouveau style affichent des publicités et des informations changeantes et inessentielles, à la portée et à la connaissance de quiconque les cherche où les a cherchées. Leur caractère superfétatoire est patent.

De cent mètres en cent mètres (l'écart type entre deux couples de panneaux), vous êtes bercé par une douce musique délavée - vous savez, le genre de musique qui hante les ascenseurs, les salles d'attente ou que certaines instances vous infligent au téléphone non sans vous avoir assuré auparavant que «votre appel est important pour nous». Et, lorsque vous atteignez le no man's land entre deux installations, momentanément hors de portée de leurs filets sonores, vous tombez dans les rets de celui installé en face, de l'autre côté de la rue, puisqu'il y a un décalage entre les dispositifs sur chaque trottoir.

Déjà, trouver un commerce ou un café qui ne vous gâche pas votre sortie avec sa «musique d'ambiance» est une gageure. Les refuges à l'abri de l'insignifiance sonore se font rares.

Vous aimez les feux d'artifice ? Ressentez-vous pour autant le besoin de vous faire infliger sans arrêt des flashs et explosions de lumière dans les yeux ? Ça fatiguerait et ça empêcherait de bien voir. C'est la même chose pour les oreilles : parfois, souvent même, pas de musique du tout conviendrait mieux. Il n'y a plus moyen d'aller nulle part sans se faire marteler les oreilles par un beat répétitif ou se les faire engluer par une sirupeuse mélodie.

Les travaux de construction, plus à l'ouest, sur la rue Rideau, retardent peut-être l'expansion des écrans jumeaux. J'appréhende le moment où ils se répandront dans la section épargnée de la rue. (Qui sait, on les a peut-être accouplés pour qu'ils se reproduisent ? Quoique, accouplés dos à dos...)

Douce vengeance : j'ai pu remarquer que personne ne les remarque, ces écrans. Les gens passent sans en tenir compte. Leur efficacité promotionnelle est nulle, ou presque. Beaucoup de bruit pour rien. 

Note. - Ce texte et les photos datent de l'automne 2015. Malheureusement, mes pressentiments de l'époque se sont concrétisés : des écrans ont été implantés plus à l'ouest, jusqu'à l'intersection Rideau et Dalhousie.