PAGE SÈCHE et ENCRE SYMPATHIQUE

Balourd 10, que ne rebute pas l'emploi de l'encre sympathique, n'entretient pas pour autant la phobie de la page blanche. (Une encre sympathique devient invisible en séch

dimanche 24 novembre 2019

Dit-elle


Dit-elle, ou les dits de ma voisine : Pensons pensements

Moi j'errais tout seul, promenant ma plaie. (Paul Verlaine, « Promenade sentimentale »)


Bonjour, dis-je au pharmacien, je voudrais un pensement...

─ Un pansement, vous voulez dire, Mademoiselle ?

(À cette étape du récit, il est inutile de s’étonner du fait que le pharmacien a compris, ou entendu, la nuance.)

─ Non, un pensement. Un pansement, c’est pour les atteintes physiques ; un pensement, pour les blessures de nature psychologique. Il me faudrait un pensement pour les pensées blessées.

─ ...

─ Je ne peux pas rester comme ça, avec une plaie morale ouverte exposée à la vue de tous, offerte à tous les microbes. J'ai besoin d'un pensement. Ne me dites pas qu'il ne vous en reste plus en stock !

─ Je crois, Mademoiselle, que vous avez surtout besoin d’aide.

─ C’est pour ça que je suis venue ici.

─ Ce que vous demandez, Mademoiselle, n’existe pas.

─ Comment ça ?

─ Les pensements, comme vous dites, n’existent pas.

─ Qu’est-ce qu’on attend pour les inventer ? Comment soignez-vous les blessures morales de vos patients ? Je ne vois pas grand monde dans la rue se promener avec une une psyché sanguinolente. Est-ce que les gens gardent leurs plaies cachées, dissimulées sous le manteau ? Ça expliquerait leur air déprimé en hiver. Mais nous sommes en été...

─ Non, Mademoiselle, les gens ne dissimulent pas leurs blessures morales. Ils se font une gloire de leurs souffrances, ils les brandissent comme des étendards et chacun parade pour sa propre cause.

─ Donc, vous ne pouvez rien pour moi ?

─ Sinon vous assurer de mes sentiments les meilleurs.

Bon, si vous pensez que c'est suffisant. Cette consultation ne nous nous aura finalement rien coûté, ni à vous ni à moi.


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