Comme il se doit : si le réel imitait le virtuel
Vous téléchargez les patates en purée. L'opération se déroule sans anicroche, comme il se doit.
La salière ? Elle est à portée de clic. Au moment de la secouer, comme il se doit, au dessus de votre plat, vous vous rendez compte que celui-ci est retourné de lui-même(?) se ranger à sa dernière place par défaut, à côté de la dinde. Un clic, tout rentre dans l'ordre. Mais il vous faut redimensionner l'assiette qui s’est réduite à 50% de son format.
La salière est... Où est-elle allée se nicher ? Une permutation pour la rendre visible (elle est sous la table) fait surgir la nappe en avant-plan. Vous la ramenez sous les couverts et, dans le remue-ménage – pourquoi ces gestes nerveux ? – vous réalisez juste à temps que la saucière, toute fumante, lévite au dessus de vos cuisses ; la nappe?... Elle est au plafond.
Mais tout s'arrange comme il se doit, quelques manipulations, clics, permutations et redimensionnements, c'est comme ça avec tant d'applications ouvertes en même temps – votre fébrilité détonne dans ce contexte festif.
Mais tout s'arrange comme il se doit, quelques manipulations, clics, permutations et redimensionnements, c'est comme ça avec tant d'applications ouvertes en même temps – votre fébrilité détonne dans ce contexte festif.
Les petits pois ne sont pas compatibles avec la salière. Qu'importe, le sel, lui, est compatible. Vous saupoudrez. Erreur fatale, l'assiette disparaît. Un message vous demande, comme il se doit, s'il faut envoyer un rapport de l'incident.
Comme il se doit, vous n'avez aucune sauvegarde récente. Le backup conserve une version de votre plat d'avant le dépeçage de la dinde. Les meilleurs morceaux sont distribués, tant pis pour vous. Au moment de savourer enfin votre repas, les patates en purées réclament une mise à jour. Est-ce le moment approprié ? Dans la précipitation – votre brusquerie fait chuchoter les autres convives – vous installez en même temps une planche à découper dont vous n'avez nul besoin et qu'il est impossible, comme il se doit, d'écarter de votre espace de travail.
La boîte à outils s'est éclipsée, vous n’avez plus d’ustensiles. Vous la réaffichez (quelques clics encore, pourquoi cette exaspération que je devine grossir en vous ?), éloignez la planche à découper qui s'est glissée sous votre menton. Vous réduisez la coupe de vin – un geste malheureux, on ne sait jamais... Fourchette en main, vous vous préparez à attaquer derechef votre plat. Un message urgent – la coutellerie tinte – ; vous ignorez son tintamarre.
Vous effectuez une sauvegarde, comme vous vous devez de faire : on ne sait jamais.
Manque de bol, la sauvegarde a confondu tous les plans de votre assiette en un seul – sauf les petits pois qui, de toute façon, refuseraient de se laisser piquer par la fourchette ; en effet, la table n'arrive pas à rétablir le lien avec le fichier source. Le calque du ketchup est devenu opaque et masque la tourtière, un scan de l'antivirus (programmé, comme il se doit) ralentit tout le système tandis que le pare-feu se met en mode ceinture de chasteté. Le chandelier déclare que vous ne détenez pas les privilèges qu’il faut et les cornichons vous demandent votre mot de passe.
Curieusement, les miettes de pain tombées sur la nappe à carreaux se rangent à angle droit selon la grille.
Un pop-up fait la promotion d'un logiciel gestionnaire de banquet. Vous le chassez. Ce faisant, comme il se doit, vous renversez votre coupe de vin. Qui l’avait restaurée ?
Votre hôte, comme il se doit, s'enquiert de votre santé.
Votre hôte, comme il se doit, s'enquiert de votre santé.
Que votre vie est compliquée ! J'espère que vous prenez le temps de souffler parfois.
RépondreSupprimerDu courage, tenez le coup jusqu'au dessert.
Signé : une âme compatissante